Scott Pilgrim Vs. The World

Pixel et lui

Affiche Scott Pilgrim Vs. The World

Attendu comme le Messie, Scott Pilgrim Vs. The World n'atterrira sur le sol français que le 1er décembre prochain, quatre mois après son exploitation aux USA. D'ici là, 95% du public auquel le film d'Edgar Wright s'adresse l'aura acheté en Blu-ray Z1, vu en streaming ou téléchargé. La commission Hadopi peut remercier Universal pour le cadeau.


S'octroyant une récréation hollywoodienne avant de conclure sa "Blood and Ice Cream Trilogy" avec World's End, Wright s'est attelé à l'adaptation de la BD "culte" du moment. Si le projet sur le papier avait tout pour exciter les fans, l'œuvre de Bryan Lee O'Malley contenait paradoxalement les ingrédients à même de plomber un film de cinéma : une palanquée de personnages secondaires souvent semblables les uns aux autres, un background relationnel trop complexe et très mal présenté (abominable tome 2), des références à la sous-culture aux mieux amusantes, au pire vaines, et surtout une histoire très conne, il faut bien l'admettre. Scott Pilgrim, une BD dans l'air du temps, donc.
Visiblement Wright en semblait fort conscient car son adaptation élude une bonne partie des divers atermoiements narratifs de la BD pour se concentrer sur le couple Scott Pilgrim / Ramona Flowers, l'objet perturbateur Knive Chau et les sept ex petits amis démoniaques de Ramona, que Scott devra combattre s'il veut poursuivre son idylle.


Scott Pilgrim Vs. The World
 

A l'arrivée, toujours une histoire très conne, mais au sein d'un univers cinématographique total, bardé de sons, de lumières, de couleurs et de mouvements, qui renvoie inévitablement au fantastique Speed Racer des frangins Wachowski, auxquels Wright emprunte pour l'occasion Bill Pope, LE directeur photo des films comics (les trilogies Matrix et Spider-Man, tout de même).
Si le réalisateur de
Hot Fuzz reste plus sage que les Wacho, notamment dans la réappropriation des codes du jeu vidéo en tant que nouvel élément de grammaire cinéma (il n'y a pas dans Scott Pilgrim d'équivalent au ghost mode, par exemple), il rejoint à travers sa mise en scène la même idée incarnée dans Speed Racer par l'editography, à savoir que pour des individus toujours plus interconnectés, l'espace tend à devenir une notion abstraite, un paramètre dont on s'affranchit aisément. Ainsi dans le premier tiers de Scott Pilgrim, les personnages continuent leurs discussions tout en changeant de lieu instantanément par la magie de simples raccords dans le mouvement, ne se souciant aucunement d'une cohérence diégétique. Une simplicité de procéder sans doute héritée de son expérience sur Spaced qui, dans un film gorgé d'effets, renvoie au Gondry de La Science Des Rêves, dont les frontières entre rêve et réalité étaient les seuls moments créés par le plus basique des effets : le montage. Ici, le réel se vit comme un rêve, les onomatopées des BD et les gimmicks de jeux vidéo font partie intégrantes du quotidien des protagonistes, comme s'ils avaient déjà acquis la présence future d'une réalité augmentée ponctuant chacun de leur geste et émotion (on prédit un grand succès pour les applications Pee Bar et Tsukasa Hojo's Hammer).

Scott Pilgrim Vs. The World
Pour rappel : ce film est contemporain de Cyprien


Car si des spectateurs continuent en 2010 de s'émerveiller devant pléthore de références aux jeux vidéo, comme bloqués dans les 90's et encore fascinés par les coups de coude complices (syndrome dit de
TBBT), Scott Pilgrim et ses compagnons ne semblent pas plus émerveillés que ça par des adversaires se transformant en pièces de monnaie à leur mort. Les personnages d'Edgar Wright rejoignent en cela ceux de Gregg Araki dans Kaboom, qui, dans un autre monde idéalisé, issu cette fois du papier glacé des magazines, ne s'étonnent pas de combattre une étudiante sorcière. De ces hyper réels ne naîtraient donc que des individus blasés et dépourvus d'émerveillement ? C'est ce que l'on pourrait croire de prime abord, si ce n'est que le film de Wright, comme celui d'Araki, montre finalement une génération biberonnée à l'hybridation des images et des univers de fiction, mais toujours aussi perdue dès lors qu'entrent en jeu les sentiments humains. A chacun alors de les affronter avec son passif culturel.

Mixant des gags hilarants reposant sur les acquis du public (les jingles de
Seinfeld) et un esprit garage rock suranné (le duel entre le groupe de Scott et les DJ qui, symboliquement, finit en mash up), Scott Pilgrim Vs. The World a tout du film somme d'une époque, à l'instar du Empire Record d'Allan Moyle pour les 90's ou du Ferrys Bueller's Day Off de John Hugues pour les 80's. Pour d'autres, un film générationnel sera La Vie Au Ranch. Mais nous n'avons pas tous la chance de naître vieux.

7/10
SCOTT PILGRIM VS. THE WORLD
Réalisateur : Edgar Wright
Scénario : Michael Bacall & Edgar Wright d'après la BD de Bryan Lee O'Malley

Production : Edgar Wright, Marc Platt, Nira Park...
Photo : Bill Pope
Montage : Jonathan Amos & Paul Machliss
Bande originale : Nigel Godrich
Origine : USA, GB, Canada

Durée : 1H52
Sortie française : 1er décembre 2010




   

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