Heroes

Tragi-comics

Affiche Heroes

Il aura fallut un certain temps pour que les supers héros, et dans la continuité le comic, finissent par acquérir un statut culturel au cinéma. Les œuvres du genre se comptaient sur les doigts de la main durant les années 80/90, mais se multiplient depuis une petite dizaine d’années.


Au-delà de la simple adaptation, la substance de cet univers est parfois récupérée dans des œuvres de tout genre (au hasard Matrix). Formellement exploité pour tout type de support, mais, malgré les détours, entorses et modifications, on ne peut dissimuler le recyclage tellement ses codes usités refont surfaces. Dès qu’un réalisateur talentueux adopte ouvertement cette idée, il obtient Incassable, drame fantastique projetant l’image du super héros sur un père de famille. M. Night Shyamalan montre ainsi à quel point les associations se font naturellement, et en profite pour semer des indices plus que révélateurs pour délimiter son champ d’action. Son approche naturaliste prend alors une autre dimension tant elle affirme clairement les aboutissants du parcours initiatique de David Dunn(incarné par l’action man Bruce Willis). A l’inverse, Brian Singer utilise une base connue qu’il détourne en la politisant, faisant du super héros une sorte de phénomène de foire plus inquiétant que divertissant. Ses deux X-Men lui permettant de disserter grossièrement sur le rejet social. Il est certain que le film perd en spectaculaire ce qu’il gagne en humanisme, même s'il faut bien reconnaître que le nombre impressionnant de personnages et d’intrigues ne laissait guère de liberté, à l’inverse d’une franchise comme Spider-Man avec le seul Peter Parker en personnage central, un justicier masqué qui choisit sa destinée et l’assume malgré les incessantes remises en questions qu’il devra subir durant les opus de Sam Raimi. Le metteur en scène profite justement de cet élément pour pousser à son paroxysme les limites de sa représentation.
Ces trois exemples distincts vont nous permettre d'intégrer les différences notables entre l’adaptation fidèle et celle incluant un besoin récent pour les spectateurs à se délester d’une fraîche paranoïa en se réconfortant avec la bravoure de ces protecteurs.

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LE JOUR OU LA TERRE S'ARRÊTA
Depuis l’attaque du 11 septembre et des conflits qui en ont découlé, l’attention reste alerte dans l’inconscient collectif, il paraît donc légitime que le justicier soit l’ultime rempart pour apaiser cette crainte, et cela se ressent dans le secteur de l’audiovisuel.Car si Superman existait, il aurait peut-être pu éviter tout cela, et si un Macfly (pas celui de L’ouvreuse, paraît que c’est une mauviette !) possédait la De Laurean, il aurait peut être pu avertir le danger, idem pour Iron Man dont on remarquera l’approche très "vigilante" dans la version live. Le super héros évoque donc ce besoin de réparer plus que protéger ce qui a été détruit matériellement et surtout psychologiquement. Pourtant, très peu de métrages se sont clairement intéressés à ce parallèle. Si Superman Returns et X-Men 3 l’ont timidement évoqué, on ne peut pas vraiment affirmer que le sujet a été directement abordé. On n’est d’autant plus surpris de voir qu’un créateur de série prenne les devants avec Heroes.
Néanmoins, d’autres séries au pitch similaire avaient tentés une percée sur les programmes télévisuels, quelques anecdotiques tentatives de personnages aux impressionnantes capacités s’unifiant pour la justice, ou pour tout simplement divertir le public ont déjà vu le jour.

L’une des plus anciennes se nomme Misfits Of Science (Superminds en France) avec une Courtney Cox alors toute jeune et Kevin Peter Hall, (acteur ayant incarné le Predator), où une sorte de jeune professeur Xavier déjanté résout des enquêtes à l’aide de ses incroyables amis, l’homme qui rétrécit, l’homme électrique et la télékinésiste. La série se voulait avant toute divertissante, et sa courte vie permit tout de même de découvrir une poignée de sympathiques épisodes. Plus récemment, la Marvel voulut profiter du succès de Matrix et X-Men pour nous livrer une fusion improbable intitulée Mutant-X. L’intrigue lorgnait méchamment vers le film de Brian Singer et le résultat était loin de combler les attentes. Mal filmé, mal interprété, la série accumulait les tares à défaut de se renouveler, "l’originalité" du pitch n’aidant pas. Une tentative ratée mais attachante qui disparaît au terme de trois saisons.
Heroes de son côté aborde le sujet plus finement et tente de s’attirer la sympathie des puristes et néophytes tout en adoptant un angle plus réaliste, qui à la base rappelle étrangement Les 4400.

Du moins en apparence, car hormis quelques éléments types, les deux séries s’éloignent très rapidement. Si Les 4400 développait un certain mysticisme religieux  sous forme de pamphlet sociologique, le créateur Tim Kring tente de transfigurer son show Heroes en y incluant un échantillon très sélectif de la population pour mieux nous accoutumer. Des poncifs familiers pour les civils que nous sommes et qui fonctionneront d’autant mieux sur  les télévores, surtout s’ils sont américains. Un ciblage un peu rebutant puisqu’il donne la mauvaise impression de destiner Heroes à la famille. Pourtant, les premiers épisodes laissent planer l'espoir puisque ces fameuses caricatures se voient être malmenées dès le départ.
Mohinder Suresh recherche son père disparu qui effectuait des recherches sur les capacités de l’être humain et des transformations dues à l’évolution (une pincée de X-Men), si bien que ses écrits sont d’une importance capitale. Parallèlement à son enquête, plusieurs personnes partout dans le monde (comprenez un bureau au Japon et les USA) se découvrent des pouvoirs extraordinaires de provenance inconnue. On apprend par ailleurs qu’une compagnie (tiens, encore une !) surveille de loin cette effervescence, même si son degré d’implication parait indéfini, on comprend vite ses menaçantes intentions. Nous aurons droit au fil des épisodes au regroupement interminable de tous ces personnages, dont la destinée est de sauver la ville de New York menacée d’anéantissement.

Heroes

 

MUTANT CHRONICLES
Il faut savoir que Tim Kring n’est pas un débutant (il a collaboré à Misfits of Science) (nd nicco : ha ben voilà, fallait le dire plus tôt…) ets’est entouré de spécialiste du comic tel que Tim Sale, dessinateur qui participera entre autre à l’élaboration des prédictions sur toiles, une des meilleurs idées de la première saison, mais aussi de Greg Beeman, auteurs de comics et scénaristes (Lost, Smallville). Leur présence laissait présager le meilleur et pourtant, Heroes n’est pas ce qu’on peut appeler une réussite.
Pourtant, l’introduction laisse augurer le meilleur même si ces personnages sympathiques aux pouvoirs types relève un peu de l’initiation pour novices. Nous faisons donc la connaissance de Nathan Pettrelli, politicien à l’avenir prometteur qui tente d’ignorer son état pour mieux aborder ses ambitions. Sa capacité de voler évoque bon nombre de supers héros (dont Superman). Son frère Peter est infirmier, vivant dans son ombre, il aspire au fond de lui à un statut héroïque, son aptitude consiste à imiter d’autres pouvoirs (comme Rogue de X-Men mais sans les inconvénients).
Claire Bennet, jeune cheerleader rebelle se régénère (l’ombre de Wolverine plane). Son père adoptif, Noah est membre de la compagnie et son protectionnisme étouffant envers sa fille laisse suggérer une relation quasi incestueuse. Quand à Hiro (applaudissons la finesse du calembour), il peut manipuler le temps à sa guise, un pouvoir difficile à contrôler qui lui causera bon nombre de problèmes. Accompagné d’Ando, ils fileront aux States, guidés par  un plan sous forme de BD (avec son portrait en couverture, subtilité quand tu nous tiens).
Le tableau se voit complété par Matt Parkman, simple agent de police télépathe (professeur Xavier c’est toi ?), la famille Sanders avec un père passe muraille (Shadowcat ?), une mère schizophrène incarné par Ali Larter (qui a bien changé depuis Destination Finale) dont la force se décuple quand elle se laisse manipulé par l’esprit de sa sœur jumelle décédée (Miss Hulk ?), le fils contrôlant les appareils électroniques (R2D2 ?), un haïtien effaçant les mémoires et désamorçant les pouvoirs, une génératrice d’illusion et bien d’autres. Mais il y a surtout Sylar, un désaxé qui voit en sa compétence, le vol de pouvoir, un moyen d’accéder à la consécration spirituelle et d’une manière plus pragmatique, au contrôle du  monde.

Face à cette compilation best of, on peut être déçu par une récupération très (ou trop) flagrante, tenant souvent du fantasme puéril (parler au machines, ou copier des pouvoirs et bientôt celui qui verra à travers les vêtements), ce qui handicape continuellement la portée des dialogues ("Attention, il va voler son pouvoir." "T’inquiète, j’ai fait une copie") et surtout le contenu de l’intrigue, axée évidement sur les attentats des deux tours et sur ce besoin de lénifier le regret de ne pas avoir pu intervenir à temps.
Les intentions sont limpides : bonds incessants dans le temps, traque décisive de Sylar, résonances religieuses pour alimenter l’espoir (les dessins font foi d’écrits aux relents bibliques) et même le sauveur sacrifié. Les auteurs commémorent le deuil en mettant en scène une véritable catharsis apaisante aux personnages captivants. De Claire dont le comportement oscille en permanence en fonction de son impulsivité juvénile (elle ira tuer un adolescent en voiture, juste par vengeance) à Matt qui se retrouve embarrassé par ses possibilités mais qui finit par en abuser, les auteurs ne veulent pas tomber dans un moralisme inconvenant. Nos personnages sont donc plus humains que justiciers avec ce que cela implique de qualités et de défauts. A contrario, aucunes facultés ne provoque de réel handicap, fuyant au mieux les contraintes pourtant passionnantes de X-Men (avec Mystic, Rogue ou Cyclope) rendant l’ensemble un peu frustrant. Surtout que bon nombre de clins d’œil sont parsemés ci et là pour contenter le geek friand de ce genre d’intentions.

Niveau intrigue, si les relations se compliquent adroitement aux fils des épisodes, il ne faut pas être gourmand en ce qui concerne les affrontements. Pourtant ce genre de matériaux laisse légitimement penser que nos super héros vont bien s’envoyer régulièrement deux trois éclairs ou autres projectiles. Inutile de rêvasser, le manque de moyen ou d’ambitions finit par plomber nos attentes niveau action, alors que la violence elle, est omniprésente. C’est d’ailleurs une caractéristique surprenante, car malgré son statut tout public, un nombre conséquent de scènes gratinées agrémentent les épisodes. Entre les pulsions meurtrières de Sylar, les réactions impulsives de Jessica ou les expériences physiques de Claire, on est agréablement surpris par un tel étalage décomplexé.

Heroes

 

FANTASTIQUE FOUR
Pourtant, la série ne décolle pas complètement et la faute en revient à plusieurs facilités qui, accumulées, finissent par rendre l’ensemble bancal, en commençant d'abord par des références trop peu dissimulées donnant lieu à un melting-pot parfois indigeste. Exemple : le duo Haitien, + Noah Benett, évoque ouvertement les Men In Black. Les éléments tels que le costume, le binôme, l’inspection du surnaturel et surtout l’effaceur de mémoire en témoignent. Certes, il n’y a pas de sous-titres éloquents, mais cette reproduction populaire est effectivement trop affirmée.
Mais ce n’est pas le seul malaise :  la saison s’achève sans conclusion, préférant jouer sur la loi du sempiternelle cliffhanger. Une séquence gâchée, où les personnages se rejoignent comme prévu, mais pendant une poignée de minute et pour se dire quoi ? (nd nicco : "Vous êtes content de vous êtes tapé 23 épisodes pour un final moins percutant qu'un France Five ? Hein ?"). Ben pas grande chose finalement, quelques accolades et une grotesque confrontation entre les deux élites (on se croirait presque dans Highlander 3) à deux doigts de débuter une partie de "pierre-ciseaux". Venant de spécialistes du genre, on était en droit d’attendre mieux.

Quelques mois plus tard, la grève des scénaristes obligera la production à écourter la nouvelle livraison d’épisodes. L’espoir renaît chez le spectateur dubitatif, supposant que de cette contrainte résultera une intrigue plus dense.
La lucidité éclate vite les fausses espérances. Cette nouvelle année est une énorme déception, un gâchis pas très surprenant, occasion pour démolir l’espoir et rejeter les attentes. Cela s’amorce très mal avec un premier épisode dans lequel on voit, ébahi, nos intervenants principaux à nouveau séparés comme si rien ne s’était produit, exception faite pour l’intrigue impliquant la famille Petrelli.
Des habitués des séries collaborant avec des passionnés de comics, difficile de croire que l’équipe de Tim Kring ai autant cumulé les mauvais choix. Le reste suit pourtant le mouvement et s’étale péniblement sur onze épisodes. Il reste tout de même quelques éléments à sauver comme la puissante et mignonne Elle Bishop, carrément sous exploité et l’amnésie de Peter, interminable mais pas déplaisante pour autant.
Pour ce qui est de la rencontre de Hiro avec son mentor Takezo Kensei (plusieurs fois évoqué lors de la première saison), on nage en pleine aventure fantastique orientée ado et on a du mal à admettre que le grand méchant de l’intrigue soit un blondinet seulement doté du pouvoir de régénération, comme Claire, qui elle, rencontrera un jeune homme capable (comme son vrai père) de voler. Manque d’inspiration ? Projets à long terme ? Ces choix  déstabilisants brouillent notre appréciation. Le tome deux s’enfonce ainsi dans la médiocrité à force de pomper allègrement le premier tout en s’y référant si peu, jouant une fois encore sur la thématique du génocide et sur la mise en place de nouveaux personnages. Un partir pris improbable qui a déçu une grande majorité de fans.

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Apparemment réceptifs à ces complaintes, son créateur se résignera à déballer des excuses à travers plusieurs interviews prétextant des problèmes de plannings et montrant du doigt la grève des scénaristes. D’après ses dires, le troisième volume Villains sera le meilleur. Mais, jusqu’à présent, Ce qu’on imaginait comme un comic live, s’avère être un simple feuilleton matinée de références. Le final de la dernière saison, se concentrant sur Sylar, réussit évidemment à nous mettre l’eau à la bouche, nous amenant à penser que cette anecdotique saison 2 n’était qu’une expérimentation ratée. On reste perplexe sachant que Tim Kring ne peut se permettre de rater à nouveau le coche. A l’inverse du génial Hiro, il n’a malheureusement pas le don de réparer, les erreurs du passé.


HEROES - SEASONS 1 & 2
Réalisation : Greg Beeman, Allan Arkush, Adam Kane, Paul A. Edwards
Scénario : Tim Kring, Aron Eli Coleite, Joe Pokaski, Jesse Alexander, Adam Armus, Nora Kay Foster, Michael, Jeph Loeb
Production : Dennis Hammer, Tim Kring, Jesse Alexander, Lori Motyer, Allan Arkush, Adam Armus, Greg Beeman, James Chory, Aron Eli Coleite, Nora Kay Foster, Jeph Loeb, Michael Green
Interprètes : Milo Ventimiglia, Greg Grunberg, Hayden Panettiere, Adrian Pasdar,Ali Larter, Sendhil Ramamurthy, Leonard Roberts,  Noah Gray-Cabey, Masi Oka,Jack Coleman, James Kyson Lee
Origine : USA
Année : 2006 / 2007
(Merci TF1 pour la diffusion de la saison 2 à une heure impossible, ça rappelle fortement Millenium)




   

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