The Big Short

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Affiche The Big Short

Partons du principe que Talladega Nights, le diptyque Anchorman et Frangins Malgré Eux font partie des plus grands films illustrant les USA de ce début de siècle et nous gagnerons tous un temps précieux.

Ceci posé, il semble évident que le nouveau long-métrage de leur auteur, Adam McKay, qui prend pour cadre la crise des subprimes et le monde archi-zinzin de la finance, ne pouvait que constituer l’événement cinéma du moment. Habitué à dézinguer l’american way of life et tous ses mythes adjacents avec la complicité de Will Ferrell et quelques cinglés du SNL dans des tourbillons d’absurdité frôlant le surréalisme (tout en étant plébiscité par le public américain !), McKay trouve dans l’éclatement de la bulle immobilière de 2007 matière à nourrir son humour critique, politesse d’un gentil désespéré. 

Car lorsqu’on a monté au Pinacle la connerie naïve comme exorcisme à la connerie cynique, que reste-t-il à faire si ce n’est s’attaquer à la machine qui se nourrit de toute cette connerie ? The Big Short constitue donc pour McKay la plus logique des étapes, lui qui a fait ses classes chez Michael Moore et pris les dérives financières comme motivation discrète de Very Bad Cops (jusqu’à se lâcher dans le générique de fin). La stupidité et sa frontière sémantique avec la légalité sont donc au cœur de son sixième long-métrage, qui n’interroge pas plus un système et ses règles que l’inapplication de celles-ci, par malhonnêteté, un peu, et parce que personne ne les maîtrise ou ne semble obligé de les maîtriser, beaucoup. Ainsi, lorsque le cinéaste fait intervenir des pop stars pour éclaircir les enjeux et termes de Wall Street en s’adressant directement à la caméra, il n’infantilise pas son public mais retourne simplement les armes de distractions massives qui ont permis à ce système de s’épanouir avec le consentement de tous. C'est ce qu’annonce le personnage de Steve Carrell en houspillant ses congénères dès ses premières scènes, illustrant cette bascule de McKay qui délaisse pour la première fois des crétins contaminant un milieu passif pour des actifs contaminés par un milieu bien crétin, ne sachant se dédouaner qu'en clamant qu'il continuera à ne pas voler. Ces retournements malicieux au sein d’un procédé cacophonique (ce à quoi aurait dû ressembler la suite de Wall Street) contribuent pour beaucoup à la saveur de The Big Short : est-ce un hasard si l’on voit en Christian Bale un anti-Patrick Bateman, en Steve Carrell un Michael Scott atrabilaire et en Brad Pitt un Tyler Durden blasé continuant de prodiguer ses conseils nature pour se passer du commerce ?

The Big Short

Comme un dialogue entre la bêtise légale (les banques) et illégale (les clients s'endettant avec cinq maisons), la mise en scène de McKay délaisse les atours de la comédie potache, illégale, celle à qui on ne donne guère de crédit pour ses discours marginaux, afin d’assimiler ceux du film à thèse (polyphonie, décadrages, stock shots, freeze frame), l'objet légal qui a toute autorité pour aborder les sujets de société, et ce avec une telle aisance que The Big Short est qualifié de "premier film sérieux" de l'auteur. Une bande dans laquelle les personnages font part des raccourcis narratifs et où des testicules s'affichent plus longtemps à l'écran que des cours de la Bourse, sérieuse ? Allons… La dérision est ici la même que celle qui animait McKay sur ses précédentes œuvres, seulement elle s'exprime par assimilation. Au sein de ses comédies, la forme très académique adoptée par McKay lui permettait de jouer ostensiblement avec les immanquables faux raccords et erreurs de continuité engendrés par les abondantes improvisations, donnant à l’occasion l’aspect d’un cartoon (les réactions de Brick dans les Anchorman par exemple) ou servant de repère complice au spectateur pour lui signifier le répertoire sur lequel se joue la scène en cours. Le réalisateur n'a pas fondamentalement bousculé sa méthode, laissant toujours une grande latitude à ses comédiens pour improviser et enrichir trois arcs solidement charpentés tout en se jouant des mimiques du genre pour souligner l'hypocrisie de tout ce marasme (le seul argent réel à l'écran est jeté sur des strip-teaseuses amenées à faire prendre conscience de l'éclatement prochain de la bulle) ou pointer les faillites d'un pouvoir (le plan bien trop long pour être honnête sur un Bale surjouant l'autisme lors de son premier shortage).

Dans The Corporation en 2003, Jennifer Abbott et Mark Achbar montraient que si on appliquait un profil psychiatrique aux multinationales, elles afficheraient toutes les caractéristiques d'un psychopathe, c'est-à-dire d'une complète cohérence comportementale mais dans un système totalement inhumain. McKay, par sa fascination pour l'absurdité, esquisse des contours de ce système prédateur en constante adaptation afin d'en souligner les incohérences à hauteur d'hommes. Et on peut faire difficilement plus absurde que des héros devenus riches mais dépités d'avoir été clairvoyants.




The Big Short
Réalisation : Adam McKay
Scénario : Adam McKay & Charles Randolph d'après le livre de Michael Lewis 
Production : Brad Pitt, Arnon Milchan, Dede Gardner...
Photo : Barry Ackroyd
Montage : Hank Corwin
Bande originale : Nicholas Britell
Origine : USA
Durée : 2h10
Sortie française : 23 décembre 2015




   

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