Conan Le Barbare

Man of steel

Affiche Conan Le Barbare

"Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir…"


Une histoire de feu. Une histoire de fer et de sang. Une histoire de vengeance. Une histoire d’amour.
L’histoire d’un survivant. L’histoire d’un homme.
Cela s’est passé à une époque qui a depuis longtemps disparu de la mémoire des hommes. Sur un continent que les flots ont depuis lors soustré aux regards des dieux célestes. La vie n’y est pas facile, mais certains peuples réussissent à prospérer : un de ceux-ci doit sa fierté à la maîtrise du secret de l’acier.
Conan est un des enfants de ce peuple. Il grandit dans un village perdu dans les montagnes enneigées, bercé par l’amour de sa mère et les enseignements de son père sur le Dieu farouche que son peuple vénère : Crom.
Mais le serpent n’est jamais loin du talon de l’homme.
La violence et la fureur font un jour irruption dans le village de Conan sous la forme de pillards impitoyables portant haut une étrange bannière ophidienne. Conan verra ainsi son père tué au combat et sa mère assassinée par le chef démoniaque et surnaturel de ces mystérieux barbares : Thulsa Doom.
Commence alors pour l’enfant une existence de souffrances semblant sans fin : d’esclave assigné à des tâches exténuantes, il est vite repéré pour sa grande force physique et devient gladiateur pour son propriétaire.

Conan Le Barbare
 

Ses victoires successives lui assureront respect et instruction. Et Conan grandit. Dans la violence. Dans le combat. Dans les chaînes. Jusqu’à la nuit de son affranchissement par un maître comprenant qu’il n’est plus digne de sa propriété. Conan fait alors l’expérience de la liberté. Devenant voleur, il connaît l’amitié d’un habile détrousseur du nom de Subotaï mais surtout l’amour dans les bras d’une sublime voleuse, Valeria.
La vie semble facile pour le trio, mais le passé de Conan ne se laisse pas distancer si facilement : un Roi, Osric, impressionné par le courage du trio qui a osé voler un bijou à l’intérieur même du temple d’une secte très puissante, demande à nos héros leur aide. Le leader légendaire de la même secte que Conan et ses amis ont détroussé a mis sous sa coupe la fille du Roi Osric. Le Roi prie le trio de la ramener. Mais la mission prend une tournure toute particulière lorsque Conan apprend que le leader de la secte en question n’est autre que Thulsa Doom. Le meurtrier de ses parents et de son peuple…
Il est alors temps pour Conan de retrouver le serpent qu’il poursuit depuis si longtemps.


TANT QU'IL Y AURA DES HOMMES
"…Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur…
"

Un réalisateur inflexible. Un homme dont le physique semble tout droit sorti des contes vikings oubliés. Un écrivain qui ne reposera jamais en paix, tenu éveillé par la musique des sphères célestes... et celle de la fureur du combat.
John Milius, Arnold Schwarzenegger, Robert E. Howard.
Quand de tels hommes (sans oublier Oliver Stone à l’écriture) s'unissent à travers les âges leurs talents et leurs visions, cela donne une œuvre unique dont le souffle épique balaie à jamais les plaines rocailleuses gisant dans le cœur de tout homme. Mais, au-delà de la réunion de ces artistes d’exception, c’est tout un casting qu’il faudrait saluer un genou en terre.
Tout d’abord un ennemi inoubliable, démoniaque. Un ennemi semblant trop majestueux pour qu’on ose l’attaquer. Thulsa Doom. Ce personnage fascinant est ainsi incarné par un acteur dont la voix est entrée dans la légende éternelle du cinéma : James Earl Jones (Darth Vader… tout est dit…). Il y a également le Roi Osric. Max Von Sidow nous présente ici un roi vieillissant. Désabusé. Croulant sous les richesses mais ne désirant que sa fille. Et pourtant d’une prestance impériale. N’oublions surtout pas la musique démentielle de Basil Poledouris, qui donne une dimension d’éternité à toutes les scènes qu’elle accompagne. En particulier la scène de "destruction du paradis de Thulsa Doom" par Conan et ses amis. Les déplacements parfaitement synchronisés de Subotaï, Valeria et Conan donnent une dimension stratégique hallucinante à cette infiltration. Mais lorsque l’attaque débute, c’est à un véritable ballet que l’on est convié, mis en valeur par un montage de folie. Citons encore pour la bonne bouche : une photo superbe, un dynamisme de tous les instants, un rythme parfait, des effets spéciaux réussis… Et aussi et surtout un souci esthétique d’une puissance quasiment jamais approchée et dont le sublime laisse pantelant.
Que ce soit l’attaque du village de Conan (l’arrivée des barbares à travers la forêt est stupéfiante).
Que ce soit Valeria, walkyrie belle à tomber à genou, dont les passes d’armes ne trouvent leurs égales que dans celles d’Eowyn (Miranda Otto dans le Seigneur des Anneaux).
Que ce soit via les plans d’anthologie de l’éducation de Conan : un gladiateur devenant une bête féroce.
Que ce soit les décors superbes (naturels, ou pas).
Tout est beau.

Nos hommes peuvent être fier d’eux. Avec Conan, ils ont atteint une épure ultime et abstraite de ce que nous portons tous en nous inconsciemment. L’esprit épique. Chrétien de Troyes s’inclinerait devant ce film.
Regarder Conan Le Barbare, c’est un peu comme prendre dans ses bras une partie de son âme et la tendre vers le soleil levant. C’est respirer le grand air après avoir été trop longtemps enfermé dans une sombre caverne. C’est écouter le chant du vent la nuit au bord des flots déchaînés. C’est sentir son cœur battre après avoir couru dans la forêt.
C’est embrasser la vie elle-même.


MAN ON FIRE
" …Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant…
"

Le feu. Le générique du début nous montre les étapes successives de forge d’une épée.
Le feu créateur, la lame enfoncée dans la glace dont le froid ne quittera jamais plus le métal et le symbole de la garde relié à la lame. Tel une épée, Conan sera lui aussi forgé au fil des années et des épreuves de sa vie. Et il sera transformé en une arme infiniment plus redoutable que toutes les épées jamais sorties des forges d’Héphaïstos : il deviendra un homme. Mais au contraire d’une épée glacée, le feu ne le quittera jamais plus. Le feu de la vengeance qui brûle à l’intérieur sans jamais se consumer. Le feu de sa vie qui sera ranimé à un endroit "où le feu ne brûle jamais". Et dans ce même endroit sera incinérée la dépouille de son amour éternel. Quand la mort devient la seule lueur qui éclaire la nuit. Et qu’elle devient le phare qui va guider les ennemis de Conan jusqu’à lui.
Le feu n’est jamais loin de Conan. Le feu d’un amour partagé, celui de Valeria. Pourtant, Conan choisira de dédaigner cette douce chaleur pour s’enfoncer dans la nuit. Au risque de tout perdre, il avance vers sa vengeance. On pourrait rapprocher ce comportement de celui d’un autre héro, moderne celui-là : Batman.

Et au bout de la nuit, lorsqu’il terrasse son adversaire, le film nous offre une scène somptueuse : tous les fidèles de Thulsa Doom, que ce dernier haranguait quelques minutes encore auparavant, vont lentement jusqu’au bassin rituel (en contrebas du gigantesque escalier sur lequel se tient Conan triomphant) pour y éteindre leurs flambeaux. Cela symbolise certes le feu de la vengeance de Conan qui peut enfin se laisser consumer. Mais pas seulement.
Arrive alors Conan le créateur : Conan façonne tous ces gens à son image. Sans lumières pour les guider (le culte de Thulsa Doom leur en apportait une, en quelque sorte) mais au moins, ils sont libres, comme lui.
Conan les fait entrer dans son monde : un monde froid, mais où seule la nuit est la limite. Conan le libérateur.
Tant que l’on en est à parler de mythologie et de détournements habiles de celle-ci, on peut également citer le cas de la pythie antique, qui pouvait prédire l’avenir (mais qui devait pour cela rester vierge, à l’instar des Vestales romaines). Le film se distingue de cette vision : la sorcière donnant des indications à Conan sur son avenir ne peut le faire que pendant l’accouplement… Notons par ailleurs que cette même sorcière attirera Conan dans sa caverne en lui proposant… un bon feu. Voilà pour la mythologie. Conan le libérateur disions-nous.
Et enfin, Conan le purificateur : le film se termine d’ailleurs sur l’autel du culte maléfique en flammes.
"La flamme est comme un miroir. Juste un reflet. C’est d’elle que tu es né, c’est là que tu retourneras." Hellboy. Mike Mignola.


A MAN APART 
"…Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête

Quand tous les autres les perdront…"

Tout cela prend du temps. Conan passera beaucoup d’épreuves avant de briser les chaînes de son destin. Ainsi, de nombreuses années durant, il devra pousser comme un esclave une gigantesque roue (tournant sur elle-même) dans le désert. Un supplice qui n’est pas sans rappeler celui subi par Sisyphe, roi de Corinthe, condamné à pousser pour l’éternité un rocher en montant une falaise pour le voir invariablement retomber.
Et cette roue du temps, que Conan sera bientôt seul à faire tourner, tracera pour lui un sillon qui l’amènera finalement à la vengeance, par un chemin certes détourné.

Le temps semblera toujours compté pour Conan : pas assez de temps pour marcher dans la plaine, il ne peut que courir.
Pas assez de temps pour profiter de son amour.
Pas assez de temps avec sa famille.
Pas assez de temps pour vivre : il y a trop de choses à faire, trop de combats à mener. Trop de sang à faire couler.
Il faudra cependant prendre le temps de se libérer.
Prendre le temps de regarder dans les yeux vides d’un Roi mort et de saisir son épée laissée à l’abandon. Et quand le squelette du Roi s’inclinera devant Conan, celui-ci pourra enfin briser ses chaînes en sortant du tumulus.
En sortant d’un lieu de mort, il naît à la liberté. Et son premier mot d’homme libre sera celui de son Dieu : Crom.

Conan est-il donc immortel ? Il survivra à l’attaque de son village. Il survivra au supplice de la roue du temps. Même crucifié, il réussit à dévorer un vautour, sbire de la mort. Il sera même sorti des griffes de la mort par son amour, Valeria. Qui lui demandera à plusieurs reprises : "veux-tu vivre pour toujours ?"
 

Conan Le Barbare
 

Mais qu’est-ce qui compte réellement dans cette existence sans pitié ni douceur qu’est celle de Conan ? Il passera par plusieurs conceptions…
Tout d’abord, seule compte la survie en tant que telle. Ensuite, esclave, quand on le lui pose la question, il dit que c’est le combat, la destruction, le pillage. La folie de la guerre. Mais quand on le libère, il goûte à nouveau à une liberté qu’il avait oubliée au fil des années. Et il court dans la plaine. Puis, c’est la richesse : en tant que voleur, seule la richesse compte réellement. Et enfin, l’amour. Car comme le lui dira le Roi Osric l’Usurpateur, "il arrive un jour où l’or perd son éclat et où les diamants ne luisent plus. Il arrive un jour où la seule chose qui compte est l’amour d’une fille pour son père."
Conan connaîtra le véritable amour avec Valeria. Un amour absolu. Un amour qui défiera les Dieux, les esprits et la mort.
Et enfin, Conan se libérera de la fatalité de son peuple en brisant l’épée de son père que son ennemi brandissait contre lui.


LAST MAN STANDING
"…Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils !
"

Si - Rudyard Kipling

Conan est-il donc réellement un barbare ? Est-il vraiment sans foi ni loi ?
On le sait, Conan a un Dieu : Crom. Mais cela ne l’empêche pas de se montrer tolérant à l’égard des autres croyances : sa discussion sur les dieux avec Subotaï le prouve. Tout le contraire de Thulsa Doom, qui veut l’hégémonie absolue de son culte (idée reprise avec un certain bonheur il y a peu de temps avec les necromongers du film Chronicles Of Riddick sorti l'été 2004, avec Vin Diesel).
La religion est encore abordée dans le film.
Conan et ses amis s’introduisent dans la montagne de pouvoir, le "saint des saints" du culte de Doom. Là, devant la luxure inouïe des lieux (il y a des femmes partout, la pièce est somptueusement décorée), Subotaï ne peut s’empêcher une réflexion : "est-ce le paradis ?" Mais Conan le détruira tout de même. Destructeur de paradis ou bien d’enfer, Conan rappelle aux dieux que les hommes ne sont pas des pantins.
C’est un serpent qui avait chassé l’homme du paradis terrestre. Et ce sera un homme qui chassera le serpent (littéralement : Thulsa Doom se métamorphose durant cette scène en gigantesque anaconda) de l’Eden corrompu, orgiaque et blasphématoire de ce dernier. Juste retour des choses, en somme.

Crom est un dieu violent. Il n’est pas très paternel. Mais Conan a déjà deux pères bien différents. Son véritable père lui apprendra le culte de Crom et le secret de l’acier, seul ami sur lequel Conan est censé compter.
Thulsa Doom serait-il le deuxième père de Conan ? Comme Thulsa le lui dira à la fin, "sans moi, tu n’existerais pas."
Sans Doom, Conan ne serait pas devenu ce qu’il est. En quelque sorte, Doom a créé Conan. Mais comme bien des créateurs, Doom n’assume pas ce qu’il a fait. Il sera détruit par les conséquences de ses anciens massacres.
Doom expliquera à Conan le pouvoir de la chair, supérieur selon lui au pouvoir de l’acier.
Mais les deux pères de Conan ont tort. Ou bien ils ont raison tous les deux.
L’acier libérera Conan, mais il pourra compter sur de véritables amis et sur un amour absolu. La chair aura son importance certes, mais là où Doom n’utilise les gens que pour leur faire du mal, Valeria sera guidée uniquement par l’amour qu’elle porte à Conan.
Finalement, en tuant Thulsa Doom, Conan se mettra lui-même au monde.
Lui, l’enfant de deux pères. Le blanc et le noir (au sens symbolique bien entendu). Le bien et le mal. La chair et l’acier.

Conan.
Plus qu’un voleur, plus qu’un Roi, plus qu’un Dieu : Conan est un homme.


CONAN THE BARBARIAN
Réalisateur : John Milius
Scénario : Oliver Stone & John Milius d'après l'oeuvre de Robert E. Howard
Production : Dino & Raffaella De Laurentiis, Buzz Feitshans...
Photo : Duke Callaghan
Montage : Caroll Timothy O'Meara
Bande originale : Basil Poledouris
Origine : USA
Durée : 2h09
Sortie française : 7 avril 1982




   

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