SuperGrave

Boys just want to have sex

Affiche SuperGrave

Qui s'intéresse un tant soit peu au travail de Judd Apatow et de ses acolytes aura inévitablement remarqué certains éléments récurrents.


Le poisson hors de l'eau, premièrement : plongez un personnage dans univers qu'il ne maîtrise pas du tout créera inévitablement un décalage comique (un asexué parmi les sursexués dans 40 Ans Toujours Puceau, une fille propre sur elle parmi des garçons au dernier stade de la régression / un ado grossier parmi des femmes responsables dans En Cloque Mode D'Emploi...). Deuxièmement, le plus évident, une obsession pour le cul imprégnant le moindre dialogue. Et enfin troisièmement, l'idée de passer au premier plan du film ceux qui sont toujours à l'arrière plan : les gros losers.

Dans cet éternel et fabuleux genre (les adjectifs me manquent pour exprimer tout le bien que j'en pense) qu'est le teen-movie, des sous-catégories sont apparues depuis les années 50 : il y a ceux sur le malaise adolescent (Graine De Violence, Breakfast Club), il y a ceux pour les filles (Grease, Clueless), il y a ceux qui la jouent potache (Porky's, Rock'n'Roll Highschool*), et enfin il y a ceux qui prennent pour héros les perdants, les derniers à être sélectionnés quand les équipes de foot se forment, les moches, les gros boutonneux, les mal-à-l'aise, bref ceux que la sélection naturelle ne sélectionne pas.

Le genre les a toujours suivis de près ou de loin. Dans tout bon teen-movie qui se respecte, en plus d'un couloir avec des casiers et d'une élection de reine du bal dans un gymnase, on tombera toujours sur un ou plusieurs personnages de ce type. Malgré tout, les films leur étant entièrement consacrés se faisaient assez rare... Les Tronches, Une Créature De Rêve, voir même Christine ou Carrie (qui pourrait bien être le premier authentique loser-teen-movie, merci Brian) furent pionniers en la matière.

Il faudra attendre la récente affirmation de l'inénarrable "communauté geek" pour les voir se multiplier : depuis 2002, on trouve pêle-mêle Girl Next Door (qui voyait ses ratés de héros débarquer au fameux bal de fin d'année aux bras de stars du porno), Le Nouveau (où le dernier des losers devenait une superstar en changeant de lycée) et le décevant Accepted (où un perdant créait une école de perdants : pitch en acier trempé, film en bois). Auxquels on pourrait ajouter quelques autres, dilués dans divers genres comme Spider-Man, ou un peu moins mainstream comme Napoleon Dynamite.

SuperGrave
Tu seras un homme, mon fils

Il était donc parfaitement logique que l'équipe de Judd Apatow s'attaque au genre. SuperGrave en compile donc tous les ingrédients (jusqu'au pitch, tout bêtement repris sur American Pie). Mais en émettant toute une série de petits changements, le film finit par se hisser au dessus du lot, et ce avec une humilité confondante (c'est pas Les Lois De L'Attraction, quoi). En jouant avec les passages obligés, en glorifiant les laids à grands coups de ralentis et de génériques funky, et surtout en désamorçant certaines attentes : Quand Seth se fait maltraiter par le méchant de service au début du film, on pense tout naturellement que celui-ci sera un personnage important dans l'histoire, car on a encore en mémoire Christine et Retour Vers Le Futur. Or contre toute attente, les héros auront d'autres chats à fouetter durant leur quête initiatique, et on ne le reverra qu'à la toute fin, le personnage n'ayant eu pour seul intérêt que de permettre au spectateur de mesurer le chemin parcouru par les héros depuis le début du film.

Autre différence notable avec les fleurons du genre, SuperGrave est un authentique film d'auteur. Les scénaristes auront bien pris soin de donner leurs prénoms aux personnages principaux (en plus des noms de leurs camarades de l'époque et de certaines adresses données dans le film), et expliqueront à longueur d'interviews toute la part autobiographique apportée à leurs alter-egos cinématographiques... Ainsi la relation entre McLovin et les hilarants personnages des flics apparaît comme un émouvant passage de flambeau entre deux générations de perdants. Les flics (adolescents attardés et irresponsables qui semblent refuser de grandir, voir la scène ou ils prennent leurs torches électriques pour des sabres lasers) aident McLovin à devenir un homme, en lui faisant traverser de nombreux rites de passage (poursuites, tir à l'arme à feu...) Egalement inhabituel dans ce genre de film est le soin apporté aux dialogues, d'une justesse presque aussi bluffante que ceux de Boulevard De La Mort. Ici, point d'échanges verbaux à la Kevin Williamson, on se la joue réaliste avec des fuck et des ass toutes les trois secondes, ce qui achève d'élever le film au dessus de nombre de teen-movies dans lesquels les ados (joués par des acteurs de vingt-cinq ans) ont une curieuse tendance à parler comme des adultes de quarante-cinq ans.

Au rayon des défauts, pas grand chose à signaler donc, à part peut-être une lumière pas géniale (défaut commun à toutes les prods Apatow, et c'est bien dommage.) En revanche, au contraire de En Cloque (2h10 pour une comédie, c'était du jamais vu !), la longueur ne gêne absolument pas le rythme du film.

* avec une petite touche d'anarchisme en prime, Joe Dante oblige...

7/10
SUPERBAD
Réalisateur : Greg Mottola
Scénario : Seth Rogen, Evan Goldberg
Production : Judd Apatow, Shauna Roberston, Evan Goldberg, Seth Rogen
Photo : Russ T. Alsobrook
Montage : William Kerr
Bande originale : Lyle Workman
Origine : USA
Durée : 1h52
Sortie française : 31 octobre 2007




   

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