Paranormal Activity

Who you gonna call?

Affiche Paranormal Activity

Pendant l'Avatar Day, j'ai eu tout le loisir d'entendre les journalistes répéter inlassablement les mêmes termes aux gens interviewés dans la file d'attente : "Film le plus cher ?", "Stratégie commerciale ?", "Argent ?", "Marketing ?", "Dollars ?" et cette même question latente qui revenait sous différentes formes : "Vous vous faites avoir par le méchant capitaliste américain James Cameron, non ?".


Personne pour demander simplement : "Qu'est ce qui vous attire dans cette histoire ?" puisqu'aujourd'hui, la seule chose que tout le monde analyse, c'est la stratégie commerciale et surtout pas les films. Il est devenu évident que la technique de vente était le seul et unique facteur qui faisait la réussite d'un film. Dans un monde où être "commercial" est le top de la réussite sociale, dans un monde obsédé par l'argent, "l'image" et la publicité, nous en sommes arrivé à un point où il n'est même plus concevable qu'un film puisse attirer des gens parce que le projet les intéresse. Paranormal Activity n'échappa pas à la règle et dû subir le même traitement.

D'abord il y eut le discours promotionnel, la sempiternelle success story du réalisateur raflant la mise en partant de rien : film d'horreur tourné en une semaine, Screamfest, Spielberg, projos tests, promo, carton... Toujours la même histoire qu'on nous ressert depuis quinze ans pour nous vendre "un peu de fraîcheur". Ainsi, on crie sur tous les toits que le budget est "minuscule". Mais c'est oublier l'énorme budget distribution et marketing, et c'est nier que pour ce projet précis (deux acteurs dans la maison du réal, filmés par eux mêmes), un budget production de 15000 $ est un petit budget, voir un budget normal. Mais certainement pas "minuscule".

Puis il y eut la réaction inévitable de ceux à qui on ne la fait pas. Tapez "Paranormal Activity" sur Google, et remarquez comme tous les articles, critiques, blogs, sites ne parlent que d'une chose : de la stratégie marketing, balayant le film lui-même d'un revers de main (qu'ils le trouvent bon ou pas). Pas dupes, ils ont bien compris que le parcours du réalisateur était idéal pour la "projection consommateur", que c'était du marketing-2.0-Twitter-Myspace-Facebook. Plus forts que tous ces crétins asservis qui ne connaissent pas les derniers mots à la mode dans les écoles de commerce, ils ont lu des livres sur le sujet et sont donc capables de se rendre compte de "l'arnaque". Bienvenue dans un monde ou les films n'existent plus. Ne restent de ceux-ci qu'un appât à idiots et une série de chiffres en bas d'un feuillet Excel.

Paranormal Activity
"Oh mon Dieu ! Une stratégie marketing pour vendre des tickets de cinéma ! J'ai peur mon chéri."


Enfin il y a le film, qui existe bel et bien. Je vous assure, je l'ai vu. Tout comme [REC], Paranormal Activity s'inscrit dans ce genre à la mode qu'est le Found Footage, c'est à dire le "faux film trouvé". Genre assez particulier et limité qui nécessite deux choses : que le spectateur accepte de jouer le rôle de celui qui croit à ce qu'il voit, et que les auteurs aient une bonne justification pour que la caméra continue à filmer. Deux conditions sine qua non pour que le contrat spectateur-film soit respecté. Ici, le postulat est limpide : Katie est hantée par un démon. Micah, son mec, décide de prendre les choses en mains en enquêtant. Pragmatique, il s'arme de sa caméra et décide de la filmer en permanence pour découvrir ce qui la hante. Ainsi la présence de la caméra est-elle totalement justifiée par la motivation première de Micah. Le film sera donc logiquement montré via l'image "youtubesque" de sa caméra vidéo (bizarre, personne n'avait qualifié l'image de [REC] "téléesque", mais avouons que le film eût été été plus joli si le personnage de Micah avait été chef op' hollywoodien et s'il s'était appelé Darius Khondji).

A mesure que le film avance, les relations entre les personnages s'intensifient. Sans qu'on puisse véritablement parler de problèmes de couple, c'est plus la différence d'attitude face au danger qui pose problème et qui s'érige en obstacle pour les personnages : inconsciente et décontractée pour Micah et plus réfléchie mais inquiète pour Katie, ces deux façons d'aborder le problème devront nécessairement arriver à leur point de rupture à un moment ou à un autre, et le spectateur le sait. De même qu'il sait que le couple et le démon devront un jour ou l'autre se confronter, tout le film n'étant qu'une montée progressive jusqu'à ces deux résolutions. Micah enquête donc pendant tout le film, à la recherche d'indices de la présence du démon dans sa maison. Film de peur pur, Paranormal Activity tranche brutalement avec la mode gore-sérieux que connaît le film d'horreur depuis quelques années. Ici tout se passe hors-champs, le réalisateur jouant sur l'attente et la frustration du spectateur, tentant (parfois maladroitement) de revenir aux frissons d'angoisse de La Maison Du Diable ou du Halloween de Carpenter. Spielberg, parrain malin du projet, aurait même conseillé au réalisateur de transformer sa fin fermée en fin ouverte de manière à repousser l'attente et de frustrer encore un peu plus le spectateur.

La mise en scène tente donc logiquement de rendre ce sentiment de frustration en jouant soit sur ce qu'elle ne montre pas, soit sur qu'elle montre mais que les personnages ne voient pas. Ainsi lorsque Micah décide de monter au grenier, il confie sa caméra à sa compagne et nous ne verrons rien de son périple. Le suspense (au sens hitchcockien) étant la frustration que ressent le spectateur d'être en avance sur le personnage sans pouvoir le "prévenir", le plan de la chambre à coucher est composé de manière à ce que le spectateur soit potentiellement en avance sur les personnages : nous pouvons voir ce qui se passe (ou ne se passe pas) derrière la porte, pas eux. Nous pouvons voir les événements paranormaux, pas eux (puisqu'ils dorment.) Paranormal Activity joue d'ailleurs tellement sur le non-vu et sur la "peur de la peur" que quand on aperçoit le moindre mouvement, on est presque déçu. L'intérêt réside ici plus dans le sentiment d'angoisse qu'il se passe quelque chose que dans le sentiment d'effroi face à cette chose.

Reste que comme pour la majorité des "faux films trouvés", le scénariste se sent obligé de se justifier en permanence de la présence de la caméra. De plus, des erreurs rendent souvent le film beaucoup moins crédible : les personnages terrifiés n'allument pas la lumière mais restent dans le noir pour avoir encore plus peur et parviennent même à dormir sans problème avec un démon qui rôde autour d'eux... Enfin, les acteurs moyens (voir pas bons, quand l'actrice joue la possédée par exemple) et le côté répétitif du cycle jour / nuit jouent contre un film qui aurait gagné à être un moyen métrage, et trahissent un certain amateurisme.

Qualifié ici et là de "film bavard" (alors qu'une scène sur trois consiste en de longues scènes de nuit totalement muettes !) et quelque peu perdu dans la brume que son propre succès à créé, Paranormal Activity n'est finalement rien d'autre qu'un petit film de trouille sans prétention.

6/10
PARANORMAL ACTIVITY
Réalisateur : Oren Peli
Scénario : Oren Peli
Production : Oren Peli, Jason Blum
Montage : Oren Peli
Origine : USA
Durée : 1h26
Sortie française : 2 décembre 2009




   

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