Juin 2010

We are rapporteurs

We are producteurs, really?

Le mois dernier, Nicolas Zugasti rapportait la difficulté pour les publications critiques et grinçantes d'exister dans un environnement en surpopulation médiatique noyant les divergences d'opinion dans la mer du consensus institutionnalisé, milieu aqueux favorisant la prolifération des gros poissons, et des inévitables gobeurs de plancton vivant sur leur dos.


Ainsi nous nous étonnons encore que les courageux guerriers ayant dénoncé la démoniaque attaque marketing lors de la sortie de Avatar ne se soient pas mis en tenue de combat face aux campagnes agressives des deux navets Iron Man 2 et Sex And The City 2. Il n'y a qu'à voir Aurélien Ferenczi de Télérama vanter les qualités du second opus de l'homme de fer quatre mois après avoir avancé sur France 24 que seul le marketing pouvait expliquer l'anomalie au box-office du film de James Cameron ("mauvais et simpliste") pour comprendre que ce n'est jamais ce marketing qui est vitupéré par les mutins, mais le succès.
Au-delà d'une évidente allergie au succès (et corollairement aux œuvres réellement pop), ces réactions limitées à des périodes bien précises (les cartons mondiaux rares et gargantuesques) prouvent que le marketing est bien plus transparent chez les leaders d'opinion que chez les masses qu'ils se plaisent à rabaisser, leurs élans contestataires ne se réveillant que lorsque les alarmes sonnent suffisamment fort (cette pensée critique n'affirme-t-elle pas de manière sous-jacente que le point commun de tous les spectateurs de la planète est leur bêtise, leur incapacité à comprendre à quel point ils sont manipulés ? Et bizarrement sans jamais chercher à leur montrer comment…).

D'ailleurs, cet article très pointilleux du site Acrimed montre parfaitement que les premières victimes de la promotion sont les journalistes des publications généralistes, répétant des éléments de dossier de presse sans les comprendre, prêtant des intentions à l'équipe du film sur la seule foi de leur imagination, usant d'un champ lexical de catéchisme, louant des innovations sans savoir sur quoi elles reposent, s'exclamant devant un film tel un spectateur de neuf ans, sans aucun recul critique et analytique.
Entre obligations commerciales et mépris latent envers le cinéma populaire (loin d'être nouveau - lire "Une revue de presse en enfer"), le traitement de Avatar fut un cas d'école. D'autant plus qu'il permit de constater assez tristement que les médias dits "alternatifs" (revues spécialisées, webzines divers) ont préféré s'en prendre au film, à son auteur, et surtout à son massif public "glorifiant le matraquage débilitant".
Paradoxal ? Pas vraiment. Sur le Net, les utilisateurs se veulent média, et par le principe même du Web, deviennent média, et en adoptent les réflexes.

Cela passe par exemple par un manichéisme des plus violents, réduisant un propos à sa plus simple expression.
Ou encore en reproduisant le dossier de presse du nouveau projet du trio Luc Besson / Xavier Couture / Christine Albanel (lire la Meneuse de revue #30), bien connus pour leur esprit ouvert, philanthropique et respectueux du public. Il est subjuguant de constater comment quelques cartons d'invitation suffisent à faire de l'ennemi public des internautes le nouvel espoir d'une cinématographie, en demandant à ces mêmes internautes (des pirates, des voyous, ne l'oublions pas) de participer à une mutualisation des frais de productions ainsi qu'à une étude de marché gratuite.
Vous pouvez également relayer le concours Walt Disney / Uniqlo, au cas où ces petites entreprises fragiles aient besoin de votre réseau pour subsister (lire : "Quelle est la dimension narcissique dans le fait de twitter ?", question posée par Science et Vie Micro à Coredumped.net).
Vous avez aussi la possibilité de lâcher une petite traduction de news en omettant de citer la source (ainsi que de se fendre d'un rapide "merci" au collègue qui relaie l'info) (le lien sponsorisé sous l'article est d'un à-propos désarmant).
Le plus couru à l'heure actuelle consiste à jouer l'irrévérence en révélant à son audience une audacieuse théorie, quand ladite révélation est devenue une évidence depuis bien des années dans d'autres sphères.

Et que dire des méthodes d'agences de relations publiques abordant les blogueurs comme des potes, leur laissant croire qu'ils leur font des faveurs en leurs offrant des affiches en haute définition et des liens pour publier teaser ou bandes-annonces quelques heures avant leur mise en ligne, puis finissent par leur demander les chiffres de fréquentation de leur site pour savoir si leur relation amicale en vaut la peine. En entrant dans ce jeu de séduction, les blogs et webzines deviennent trop aisément des relais promo gratuits et efficaces, pouvant parfois prendre goût à l'exclu et au buzz, ces chimères journalistiques qui ne servent à rien.

Sans jeter la pierre à nos confrères pour autant, on peut difficilement rester de marbre face à cette tendance mimétique d'une génération numérique se sabordant elle-même dans une vaine course à la reconnaissance fondée d'avantage sur une volonté d'affirmation identitaire ("Je suis geek !" "Je suis cinéphile !", "Je suis intello !", "Je suis devant le Martinez !", "Je n'ai pas vu Avatar !") que sur le besoin de communiquer des idées. A une époque où le métier de journaliste n'a jamais été autant prisé, ce serait dommage de ne pas en profiter pour briser les moules une bonne fois pour toute.

Car finalement, la nouvelle loi Loppsi risque de passer aux forceps mercredi prochain, un cinéaste hystérique voyant des nazis partout porte plainte contre une encyclopédie libre, une actrice française tourne avec un cinéaste donnant son vote aux ayatollah puis rend hommage à un autre cinéaste détenu en prison par ces mêmes ayatollah, et toutes ces anomalies ont été moins relayées et commentées sur la cinésphère que la bande-annonce de Iron Man 2.

Ha oui, heureusement que les médias alternatifs et blogs influents sont là pour sauver la masse du marketing.




   

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RoboCom.

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