Triangle

Le cadavre ne porte pas de costard

Affiche Triangle

Sur le papier, le projet Triangle avait tout pour exciter le cinéphile traumatisé à l'adolescence par les bandes folles en provenance de HK telles que Green Snake ou City On Fire. A l'écran, et il fallait s'y attendre, c'est un joyeux dawa que nous proposent les trois compères Hark, Lam et To, auquel hélas le spectateur ne risque pas d'y prendre autant de plaisir qu'eux.


Petit rappel pour les deux du fond : Au cours d'un gueuleton, les trois cadors du cinéma hong-kongais décidaient de faire un film ensemble à la manière d'un cadavre exquis cinématographique. Si, contrairement à ce que la promo affirme, la chose n'est pas inédite (rien qu'en 2006 nos cousins québécois s'y étaient exercés dans le fort justement nommé
Cadavres Exquis Première Edition, agglomérant les segments d'une dizaine de cinéastes différents – sans compter la télévision où l'on voit très souvent des auteurs se succéder pour conter une histoire improvisée au fur et à mesure : y a qu'à voir Lost), le projet a de quoi prouver s'il était nécessaire la vigueur et la fraîcheur des maîtres HK.

D'ailleurs, faire débuter ce cadavre exquis par Tsui Hark équivalait à pousser assez loin le concept et la prise de risque tant l'auteur de la saga
Zu n'a pas son pareil pour partir dans tous les sens en reléguant assez loin les basses préoccupations scénaristiques. Cela s'avère même être un avantage certain car en développant deux motivations aux personnages (en manque d'argent, ils s'engagent avec des bandits pour faire un coup, mais un homme mystérieux viendra leur révéler l'existence d'un trésor) il donne le champ libre à ses comparses pour une storyline moins convenue qu'à l'accoutumée (le contraire aurait été fort dommage). Ainsi, Hark présente avec efficacité et énergie les enjeux tout en évitant de jeter sa caméra par la fenêtre façon Time & Tide, histoire que les copains puissent jouer avec à leur tour. Du double postulat laissé par Hark, Ringo Lam ne s'intéresse quasiment à aucun des deux, préférant axer son segment sur les protagonistes (bien que débutant par une bonne scène d'action en voiture, histoire de se faire plaisir). Lam développe l'aspect dramatique de la femme d'un des héros en contredisant ce qui était avancé dans le chapitre de Hark, donnant ainsi du poids à ce qui n'aurait pu devenir qu'un vain exercice de style.

Triangle
Et ceux qui pensent que les panneaux en forme de triangle sont là par harsard sous-estiment le génie de Tsui Hark.


Succédant à cette troublante mais agréable rupture de ton excellemment bien menée par Lam, To avait pour mission de conclure un récit dont les éléments initiaux avaient volé en éclat. Et là, le mystère Johnnie To se mit en marche : plutôt que s'en tenir à ce qui était à disposition, To invoque de nouveaux personnages assez inutiles, bascule dans le décalage humoristique raté (mais pouvait-il en être autrement dans un métrage reposant de fait sur le décalage constant ?) et finit même par faire des personnages principaux les spectateurs ahuris de l'action… Ce
Triangle se conclue en eau de boudin, ce qu'une des premières séquences mises en scène par To laissait présager (les personnages tournent littéralement en rond pendant deux minutes en se demandant ce qu'il faut faire…). Décevant, mais avec To le projet pouvait soit finir en apothéose, soit comme cela... (faut croire que c'est selon les jours).

Reste un film-concept ludique et distrayant, à l'image du gimmick des téléphones portables (les personnages se prennent en photo ou se filment) illustrant les transitions d'un cinéaste à l'autre (ils s'envoient symboliquement leurs images pour que le copain puisse continuer) : c'est dans l'air du temps, c'est sympa, mais c'est gadget.

5/10
TIE SAAM GOK 
Réalisateurs : Tsui Hark, Ringo Lam & Johnnie To
Scénario : Sharon Chung, Kenny Kan, Nai-Ho Yau Kin Yee Au & Tin-Shing Yip
Production : Tsui Hark, Ringo Lam & Johnnie To
Photo : Siu-keung Cheng
Montage : David M. Richardson
Bande originale : Dave Klotz & Guy Zerafa
Origine : Hong Kong / Chine
Durée : 1h41
Sortie française : 16 janvier 2008




   

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