Rebelle

A brave new studio

Affiche Rebelle

Princesse dans une Ecosse médiévale où le féérique n’est jamais trop loin, Merida n’est pas franchement à plaindre : un père, le Roi Fergus, aimant et bon vivant, trois frères aussi turbulents qu’adorables, une habileté sans pareille au tir à l’arc, un immense domaine dans lequel elle se complait à galoper en toute liberté…


Oui, Merida aurait la vie parfaite si la Reine Elinor, sa mère, ne s’échinait pas tant à lui faire comprendre les responsabilités qu’une princesse a envers son peuple. D’ailleurs, c’est décidé : afin de renforcer l’entente encore fragile entre les différents clans composant le royaume, Merida devra épouser l’un des fils aînés des chefs des grandes familles. Merida ne l’entend bien sûr pas de cette oreille et est prête à tout pour faire changer d’avis sa reine de mère. A absolument tout.


DOWN

Ça commence presque comme un conte de fées : il n’y a pas si longtemps de cela, Pixar régnait en maître sur l’animation Américaine…

Très peu, voire tout simplement aucun autre studio ne paraissait en mesure de lui contester au long terme cette suprématie. Oh, bien entendu il y avait parfois des pépites pour vaguement concurrencer le studio à la petite lampe sautillante. Ne citons que l’extraordinaire Géant De Fer que Brad Bird (le génie qui donnera d’ailleurs un peu plus tard à Pixar ce qui reste probablement le film le plus exceptionnel de ce studio : Les Indestructibles) signera pour la Warner. Ou encore (et toujours pour la Warner) l’aussi improbable qu’excellent Happy Feet du vétéran (et, c’est le moins que l’on puisse dire, toujours au taquet) George Miller. Même le premier Ice Age (studios Fox), bien que clairement à la traîne niveau technique, tirait son épingle du jeu en proposant un script non dénué d’émotions et surtout en créant l’hilarant Scrat, personnage demeurant la plus grande réussite d’une franchise qui s’avérera vite décevante au fil des épisodes.

Néanmoins, et sans mettre une seconde en doute les indéniables qualités des œuvres précitées, ces différentes productions ne constituaient pas vraiment une réelle menace envers le statut de numéro un que Pixar a méritoirement acquis en enchaînant avec une stupéfiante constance les merveilles artistiques que nous connaissons tous.


Rebelle
 

Cette position de leader, le studio d’Emeryville l’a forgée en se remettant sans cesse en question, notamment en poussant toujours plus loin le défi technique, mais bien plus encore en replaçant la créativité, l’inventivité et l’imagination au centre du débat, là où les concurrents se contentent par trop souvent de rester dans des parcours balisés et sans risques et de recourir à des détournements grossiers et sans âme d’autres succès bien connus, détournements n’entraînant chez leurs spectateurs que des rires automatiques et industriels (oui, Shrek et consorts, c’est de vous que l’on parle).
Bref, les ptits gars de chez Pixar sont toujours restés fidèles à une profession de foi déjà clamée haut et fort dans leur premier long, Toy Story, et depuis lors passée dans la légende : vers l’infini, et au-delà ! Du moins, c’était le cas jusqu’à récemment.

En effet, depuis peu, il semble que les choses évoluent : l’étoile de Pixar tend à pâlir et sa domination artistique sur le marché devient de moins en moins évidente. La question se pose donc : comment en est-on arrivé là ? Comme souvent, il n’y a pas de réponse unique mais bien plutôt un faisceau d’éléments qui, mis bout à bout, convergent vers cette situation.

Le premier facteur est sans doute le plus visible : il tient tout simplement à la baisse de qualité des derniers Pixar.

Toy Story 3
a beau être une grande œuvre d’animation, il n’en demeure pas moins que certains éléments du scénario faisaient clairement redites avec ceux développés dans Toy Story 2 : pensons notamment au trauma du personnage de Lotso, identique à celui de Jessie dans le précédent opus. On ressentait un soupçon de paresse dans l’écriture, moins fluide et surtout moins originale que dans le deuxième épisode (qui, il est vrai, plaçait la barre extrêmement haut) : encore une histoire de sauvetage / évasion. Bref, d’une certaine manière, le sentiment prédominant à l’issue de la séance était que Toy Story 3 n’était sans doute pas aussi définitif que ne l’était son prédécesseur.
Si la qualité intrinsèque de ce film (la séquence de l’incinérateur reste encore à juste titre dans toutes les mémoires) faisait au final très vite oublier aux spectateurs ces imperceptibles doutes, la production suivante de Pixar, le très décevant Cars 2, créait un véritable malaise chez les fans du studio à la petite lampe.

Bien trop orienté enfant (comprendre "puéril"), cédant par moments à un humour hystérique et / ou facile parfaitement incongru dans un Pixar, doté d’un scénario d’une faiblesse criante, on avait parfois davantage l’impression de se retrouver devant un film d’animation sorti des studios Dreamworks que devant une production issue des artistes d’Emeryville.

Quant à Rebelle… nous y reviendrons.


Rebelle
 

En deuxième lieu, il convient de signaler que, parallèlement à cette courbe descendante apparemment entamée par les animés signés Pixar, la qualité de certains des bébés des studios concurrents ne cesse au contraire de s’améliorer.
Un des exemples le plus frappant de cet état de fait, et sans aucun doute le plus totalement inattendu, est le sublime Dragons. Sortie en 2010 sous bannière Dreamworks, la perle de Chris Sanders et Dean DeBlois a pris tout le monde à revers et s’est permis de dépasser en qualité pure le Pixar de l’année, Toy Story 3.

2011 confirmera cette perte de terrain de Pixar en voyant Cars 2 se faire surpasser dans tous les domaines par non pas une mais bien deux productions concurrentes : d’une part le génial Rango de Gore Verbinski (encore une autre énorme surprise sortie de nulle part!) qui remportera l’Oscar du meilleur film d’animation de l’année (bon, d’accord, ça ne veut rien dire : Shrek l’a gagné aussi, à l’époque) et d’autre part Happy Feet 2 de l’inoxydable George Miller.

Toute la question est de savoir si cette considérable amélioration du travail de ces rivaux va se confirmer à l’avenir : évidemment, quand on regarde les dernières sorties de Dreamworks (Kung-Fu Panda 2, Madagascar 3, Le Chat Potté… uniquement de l’exploitation de franchise pré-existante, bonjour l’audace), on a plutôt l’impression que ce studio a repris ses bonnes vieilles habitudes. Cependant, si Dragons 2, annoncé pour 2014, est aussi excellent que le premier épisode, Pixar a des soucis à se faire.


A côté de la qualité brute des œuvres proposées de part et d’autre, on se doit d’également souligner un troisième élément : les récentes tentatives de Brad Bird et d’Andrew Stanton, deux des réalisateurs phares de la maison Pixar, de passer à la mise en scène de films live, avec au bout du compte des résultats contrastés.

En ce qui concerne Brad Bird, on peut considérer que malgré les différentes contraintes (film de commande s’inscrivant dans une franchise populaire, grosses attentes de la part de la production, superstar d’envergure mondiale à gérer sur le tournage) le pari Mission : Impossible – Protocole Fantôme est réussi : le succès commercial, sinon critique, a été au rendez-vous.

Par contre, il en va tout autrement pour le John Carter d’Andrew Stanton. Au-delà de la polémique dont le film a fait l’objet (le fameux "flop annoncé"), il faut bien juger l’œuvre. Et malheureusement, celle-ci reste plus que boiteuse, la faute à une écriture brouillonne, des acteurs d’une rare fadeur et une réalisation incroyablement peu inspirée, ce qui ne laisse pas de surprendre de la part d’un Stanton qui n’est pourtant pas un manchot en la matière (Le Monde De Nemo, 1001 Pattes, Wall-E sont là pour le prouver).

Quoi qu’il en soit, qu’ils aient abouti à un succès ou à un échec, il est impossible de ne pas constater que les départs de ces deux grandes figures de Pixar coïncident plus ou moins avec un moment où ce studio marque le pas. S’il est évidemment difficile d’évaluer avec précision l’impact de ces deux "pertes" pour Pixar, il n’en demeure pas moins que celles-ci en ont plus que probablement fragilisé la structure. Notons cependant que ce point doit être relativisé : vu la façon dont Stanton s’est complètement grillé les ailes avec John Carter (que ce film soit au final bénéficiaire n’a plus grande importance : qu’on le veuille ou non, à raison ou non, il est considéré comme un gigantesque four par le monde des décideurs d’Hollywood ainsi que par une bonne partie des médias et seul cet élément compte dans l’évaluation des futures chances de Stanton de se faire remettre les commandes d’un autre film live), il est plus que probable que ce dernier retourne au bercail pour panser ses plaies avec un autre projet estampillé Pixar (et de fait, certaines sources le mentionnent comme probable réalisateur d’une future suite au Monde De Nemo).

D’autre part, la réussite de Brad Bird ne signifie pas non plus qu’il a complètement renoncé à évoluer dans la structure Pixar…


Rebelle
 

Pour ne rien arranger et accentuer encore le sentiment général qu’il y a un réel souci au sein de l’équipe d’Emeryville, la production de Rebelle n’a pas été sans heurts et a même eue pour fait marquant la mise sur le banc de touche de Brenda Chapman, pourtant impliquée au premier plan sur ce film, que cela soit au niveau histoire ou à la réalisation.
Quels qu’aient été les véritables enjeux de cette mise à l’écart (en dehors de l’inévitable formule si typiquement hollywoodienne "différents artistiques" que l’on imaginait difficilement être un jour utilisée chez Pixar), le mal est fait : la belle image que Pixar suscitait jusqu’ici chez le cinéphile, celle d’une famille unie, animée par un état d’esprit commun et au service de la même vision, cette image est désormais écornée.

Que Chapman ait tout récemment pris ses cliques et ses claques et ait tout simplement quitté Pixar pour intégrer une autre équipe ne fait que renforcer ce point de vue.


Enfin, arrive un facteur clé dans cet état des lieux : quelle est l’exacte portée de l’influence de Disney sur Pixar ?

On le sait, l’histoire de la relation entre les deux studios est plutôt complexe et ponctuée par des moments de bonne entente en alternance avec des périodes de profonde dissension. Disney rachètera Pixar en 2006. Quel impact cela a-t-il eu sur la production de Pixar à proprement parler ?

De prime abord, deux effets viennent à l’esprit. Tout d’abord, un changement dans le rythme de production. En effet, avant de se faire racheter par Disney, Pixar n’hésitait pas à prendre son temps pour sortir ses films. Ainsi, trois ans séparent la sortie de Toy Story de celle de 1001 Pattes et deux années séparent Toy Story 2 de Monstres Et Cie. On retrouve le même délai entre ce dernier et Le Monde De Nemo. Pareil entre Les Indestructibles et Cars.

Par contre, dès 2006, Pixar s’est mis à sortir des films chaque année avec la régularité d’une horloge. Dans un premier temps, Pixar a fort bien géré ce rythme très élevé d’une production par an : sortir coup sur coup Ratatouille, Wall-E, Là-Haut et Toy Story 3 mérite effectivement tous les éloges.

Mais aucun studio, a fortiori déforcé par le départ de deux grandes stars maison, n’est capable de maintenir bien longtemps un tel niveau d’excellence à une cadence pareille.


Rebelle
 

Cars 2 et, nous allons le voir, le tout récent Rebelle en sont la démonstration.
A côté de cela, un autre élément qu’il est fort tentant de mettre en parallèle avec le rachat de Pixar est la tendance relativement récente de ce studio à mettre de plus en plus systématiquement en chantier des suites de ses films. Un trait que, curieuse coïncidence, l’on connaît bien chez Disney : il n’y a qu’à passer en revue l’interminable liste de suites de leurs grands classiques (Cendrillon 2 ? Sérieusement ?) produites pour le marché direct- to-video pour s’en convaincre.

Evidemment, on pourra répondre que Pixar avait déjà produit une suite bien avant de se faire racheter par Disney, et une de leurs plus belles œuvres par-dessus le marché : le sublime Toy Story 2. Néanmoins, il convient de rappeler qu’à l’origine, le projet Toy Story 2 était justement censé être une de ces fameuses suites en DTV sur lesquelles Disney a axé une bonne partie de sa stratégie commerciale. Il avait fallu toute l’énergie de John Lasseter pour renégocier le destin de Toy Story 2 et lui arracher une sortie salle, avec le succès commercial, critique et artistique que l’on sait. Sauf que depuis, Disney est passé aux commandes et beaucoup de choses ont changé.

Certes, Lasseter a profité de la transaction pour se retrouver en position de force parmi les décideurs haut placés de Disney, devenant Chief Creative Officer de Pixar AINSI que des studios d’animation Disney. Cependant, on est en droit de se demander si ces nouvelles tâches et responsabilités, toutes grisantes qu’elles puissent être, n’ont pas dans une certaine mesure un impact négatif sur son travail pour Pixar. Illustration : si Toy Story 2 avait merveilleusement mis en application le principe que l’on croyait implicitement en vigueur chez Pixar et selon lequel "if we have a great story, we’ll make a sequel" (énoncé en 2006 par Lasseter lui-même en regard d’un alors éventuel troisième épisode), il est difficile de considérer que l’histoire de Cars 2 (réalisé par… John Lasseter) est mieux ficelée ou plus intéressante que celle de Cars.

Bref, c’est un peu la théorie des vases communicants : en s’investissant davantage dans Disney, l’implication de Lasseter pour Pixar en a peut-être pâti. Du coup, c’est avec un œil plus que critique que l’on considère les prochains projets de suites annoncés chez Pixar : par exemple, une prequel à Monstres Et Cie, Monsters University, déjà introduite par une bande-annonce fort amusante mais qui ne parvient néanmoins pas à dissiper le doute quant à l’utilité d’une telle entreprise. N’oublions pas non plus les rumeurs faisant mention d’une suite au Monde De Nemo, ce qui ressemble fort à une fausse bonne idée. Pour couronner le tout, on parlerait même d’un éventuel Toy Story 4.


Rebelle
 

Tout ceci alors que Newt, un autre projet bien original celui-là, a été annulé en raison de la ressemblance de sa thématique avec celle d’un film concurrent, le gentil mais parfaitement inoffensif Rio.
Evidemment, on peut se rasséréner en songeant que d’autres sujets originaux sont toujours à l’ordre du jour chez Pixar : The Good Dinosaur, ou encore Dia De Los Muertos.

Et comme décidément rien n’est simple, il ne faut pas négliger non plus l’intriguant projet de Brad Bird, 1906, un long-métrage classique (comprendre : qui ne serait pas de l’animation) néanmoins produit dans l’environnement Pixar. Peut-être est-ce là une des clés du futur du studio à la lampe ?


Bref, c’est dans un contexte plutôt agité que paraît sur nos écrans Rebelle (encore un coup des traducteurs déments, le titre original Brave étant infiniment plus adapté à l’histoire), le tout nouveau long-métrage d’animation estampillé Pixar. Un treizième (signe ?) opus qui, malheureusement, ne nous rassure pas quant aux choix d’un studio plus que jamais à la croisée des chemins.



A BUGGED LIFE

Malgré toutes les remarques, hypothèses et doutes que l’on vient de mentionner, une chose frappe directement à la vision de Rebelle: les gens de chez Pixar n’ont pas perdu leur sens du beau. A un niveau purement esthétique, les aventures de Merida sont tout simplement sublimes.

Ainsi, la mystérieuse et insaisissable splendeur des paysages écossais est rendue tout au long du film avec une époustouflante justesse de couleurs, de textures, de vie. On peut également discerner une grande intelligence dans l’utilisation des clairs obscurs. Quant au mouvement permanent de la flamboyante chevelure de Merida, Pixar a (évidemment) relevé avec brio un défi technique que l’on imagine gigantesque.

Mais la plus grande réussite du film réside sans nul doute dans son prologue : véritable perfection de dosage entre humour, tendresse et action, rythme, beauté formelle et rigueur narrative (tous les enjeux explorés au cours du film sont déjà présentés, comme en gestation), et se dénoue dans la fuite éperdue de Merida et de sa mère via une superbe succession de plans. Pour notre plus grand plaisir, ce quart d’heure renvoie aux toutes premières bandes annonces de Rebelle, celles-là même qui laissaient entendre que nous aurions droit à un hymne vibrant et total à l’Aventure avec un grand A, à un voyage initiatique métamorphosant non seulement son protagoniste mais également les spectateurs.

Hélas, le rêve fait long feu et le corps du récit nous fait revenir sur terre avec brutalité.


La déception est à la hauteur des attentes : passée cette éblouissante ouverture, la trame ne s’éloigne jamais d’un schéma classique où toutes les péripéties sont d’une morne prévisibilité.

Bien plus inhabituel encore, du moins pour une production Pixar, l’écriture présente des lacunes et approximations évidentes. Citons le traitement à tout le moins négligent (pour ne pas dire je-m’en-foutiste) de certaines sous-intrigues (l’ours Mor’Du aurait pu, aurait dû être un formidable antagoniste au lieu d’une rustine ne servant qu’à relancer de temps en temps le récit). Ne nous attardons pas trop sur la course-poursuite dans les couloirs du château entre une Elinor métamorphosée et les chefs de clans : celle-ci, bien que source de certains gags vraiment drôles, devient vite longuette et en arrive à ressembler au générique de fin d’un épisode de Benny Hill.

Il y a également ce dénouement incroyablement boiteux et pas très cohérent où l’on voit d’une part Merida accepter la perspective du mariage… sans pour autant se marier et d’autre part les chefs de clans repartir joyeusement chez eux… alors qu’aucun d’entre eux n’a obtenu ce qu’il était venu chercher (et en cela, ils ressemblent fort au public en salle). Bref, à part une amélioration de l’entente entre Merida et sa maman, aucun des enjeux ne trouve au final de réelle résolution. Et au fond, voilà bien le problème : plus que de l’admiration devant ce qu’il nous donne (sentiment que nous ressentons habituellement devant une production Pixar), le film Rebelle n’éveille chez le spectateur que de la frustration devant ce qu’il promet sans jamais offrir.


Rebelle
 

A côté de cela, et quitte à revenir une fois encore sur la relation Pixar / Disney, on pourrait penser que Rebelle puise son inspiration dans une autre production venant de chez Mickey : Frères Des Ours. Le rapprochement entre ces deux œuvres d’animation paraît inévitable vu certains aspects de leur propos. Pourtant, en y réfléchissant attentivement, Rebelle ressemble bien davantage à un autre film des studios Disney, Un Vendredi Dingue, Dingue, Dingue (avec Jodie Foster !), dont le remake relativement récent est sans doute plus connu : Freaky Friday. Voyez le ressort narratif principal : deux personnages en rupture de communication comprennent à la suite d’un évènement extraordinaire ce que vit et ressent l’autre et en profitent pour recréer une relation jusque là défaillante.
Plus précisément encore, c’est carrément la même thématique que l’on retrouve au cœur des deux films : l’amour entre une maman et sa fille. Même le montage de Rebelle accentue cette filiation avec les deux productions Disney juste évoquées : voir le moment où Elinor et Merida souhaitent en alternance vouloir faire comprendre leur propre point de vue à leur interlocutrice, copie conforme du moment-clé où mère et fille échangent leur personnalité dans le film original. Quand on pense qu’il y a quelques années Pixar qui explorait les relations père-fils de manière bien plus inspirée et avec une émotion d’une extraordinaire intensité avec Le Monde De Nemo…

Oui, Rebelle aurait pu être un film miroir de ce chef-d’œuvre. Mais contrairement au film de Stanton qui conservait un équilibre parfait entre les quêtes et les points de vue de Marin ET de Nemo, pour naturellement aboutir à un dénouement patiemment construit tout au long de l’histoire, Rebelle se focalise quasi uniquement sur le cheminement émotionnel de Merida et néglige celui d’Elinor, ce qui rend inévitablement le film bancal.

Enfant bizarre de deux studios aux intérêts, méthodes et traditions pas toujours compatibles (voire antagonistes), Rebelle joue trop la carte du compromis et ne satisfait finalement personne. On a même droit à des chansons dégoulinantes de bons sentiments pour surligner l’état d’esprit des personnages, chose qu’on avait encore jamais vue dans un Pixar jusque-là : même la chanson expliquant le traumatisme de Jessie dans Toy Story 2 faisait avancer l’intrigue au lieu de la réexpliquer.

Cette impression de double personnalité, de bipolarité est permanente tout au long du film : dualité entre Disney et Pixar, évidemment, mais aussi entre une ouverture grandiose et un dénouement expédié, entre une Brenda Chapman débarquée du projet et son successeur (plus malléable ?). Et comme on ne sait pas s’asseoir sur deux chaises à la fois…


Finalement, la plus belle partie du film Rebelle, à part peut-être son prologue, reste le splendide court-métrage précédant sa diffusion en salle, La Luna, contenant en un peu moins de sept minutes davantage de poésie, de subtilité et de rêverie que la totalité des aventures de Merida n’arrivent à en évoquer. Mais ce n’est qu’une fois le film terminé que nous goûtons toute l’ironie mordante de la situation : le film indiquant (ou du moins, laissant légitimement craindre) une certaine rentrée de Pixar dans les rangs porte le nom de Rebelle.

Cette conclusion est peut-être un peu sévère, mais qui aime bien châtie bien : Pixar nous a trop montré, nous a trop donné pour se contenter d’un long-métrage "juste" bon. Ils méritent mieux que ça, nous aussi.

Et si cette série d’œuvres moins inspirées devait continuer, le public se verra forcé de se rappeler du dénouement de Toy Story 3 et se posera inévitablement une question. LA question. Andy a-t-il confié ses jouets aux bonnes personnes ?

6/10
BRAVE

Réalisateurs : Mark Andrews, Steve Purcell & Brenda Chapman

Scénario : Mark Andrews, Steve Purcell, Brenda Chapman & Irene Mecchi

Production : Pete Docter, John Lasseter, Andrew Stanton…

Montage : Nicholas C. Smith

Bande originale : Patrick Doyle

Origine : USA

Durée : 1h40

Sortie française : 1er août 2012




   

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