Nous, Les Vivants

Retour en fanfare

Affiche Nous, Les Vivants

Sept ans après les Chansons Du Quatrième Etage, c'est tout une fanfare qui vient réveiller les morts-vivants constituant le panel d'étude du très stoïque Roy Andersson, cinéaste pubard anthropologue Suédois.


Le lauréat de l'Amphore d'Or de cette année s'inscrit évidemment dans la lignée très caractéristique de la comédie nordique, c'est-à-dire caustique et épurée dans le but de mieux souligner "l'absurdité de notre société" tel que
Norway Of Life tentait de le faire en début d'année, maladroitement d'ailleurs. Si je mets "travers" entre guillemets, c'est précisément pour questionner cette tarte à la crème analytique qui tend à s'imposer comme une évidence à l'esprit de tous dès que l'on aborde le cinéma nordique, quand bien même quasiment aucune séquence de Nous, Les Vivants ne vise à remettre en question la logique des situations. Elles sont certes décalées, théâtralisés, grossies, mais absurdes, non (en dehors des séquences qui nous sont explicitement présentées comme des rêves par leur protagoniste). Qu'y a-t-il d'illogique et d'absurde à ce qu'une dizaine de personnes s'abritent de la pluie dans un abri bus ? A ce qu'un musicien répète et dérange le voisinage ? Ou encore qu'un couple se dispute et se dise des choses qu'aucun des deux ne pensent ? Rien. Ce sont des choses tout à fait courantes. En cela Andersson est plus proche de Tati dans un esprit de forme que de fond. Car là où les vignettes du réalisateur de Playtime mettaient en exergue l'agitation quasi hystérique d'une société moderne ne sachant plus se servir du progrès pour se faciliter la vie, Andersson décrit, lui, la fabuleuse apathie d'un peuple dont l'ordre mathématique du monde dans lequel il évolue (donc absolument logique, et non absurde) ne lui apporte plus aucune surprise, joie ou plaisir. D'où le titre et le poème de Goethe ouvrant le film.

Nous, Les Vivants
C'est la fin du monde certes, mais Emmerich aurait au moins sauvé le chien


Toutefois, l'absurdité de la condition humaine transparaît ici lorsque l'on connaît le labeur ahurissant que déploie Andersson pour dépeindre cette banalité de tous les jours. En effet, le perfectionniste Suédois n'use pas moins d'une trentaine de prises en moyenne pour ses plans séquences, étalant ses tournages sur plusieurs années, d'où résultent des petits bijoux de composition picturale. Tout le paradoxe de son œuvre, et donc quelque part, de notre condition, se tient sûrement ici : la banalité n'est jamais autant compliquée à retranscrire que lorsqu'on cherche à lui donner un sens.
En accentuant chaque paramètre composant notre environnement (il n'existe plus que deux couleurs dominantes : le gris bitume et le vert néon ; les murs sont vides, l'architecture lisse), Andersson dépeint de sa caméra immobile un monde qui se meurt, dont le tragique se dilue dans la monotonie de son environnement. Seul espoir selon le cinéaste : bouger, changer d'horizon : ainsi, il place littéralement le foyer d'un jeune couple tout juste marié sur des rails de chemin de fer, et ceux-ci s'en voient félicités par une horde de gens qui montrent de la joie pour la première fois du métrage. Hélas, ce mariage n'est que le rêve d'une jeune paumée fan d'un chanteur de rock.
On ne sera donc pas étonné du ton assez nihiliste et très sarcastique de la dernière séquence, rappelant le génial Franquin et ses
Idées Noires.

6/10
 


DU LEVANDE

Réalisateur : Roy Andersson
Scénario : Roy Andersson
Production : Philippe Bober & Pernilla Sandström
Photo : Gustav Danielsson
Montage : Anna Märta Waern
Bande originale : Benny Andersson
Origine : Suède, Danemark, Norvège, France, Allemagne
Durée : 1h35
Sortie française : 21 novembre 2007




   

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