Mission : Impossible - Protocole Fantôme

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Affiche Mission : Impossible - Protocole Fantôme

Ce quatrième épisode n’est pas seulement un remarquable film d’action mais également une franche réussite du changement dans la continuité. Car tout en rebattant les cartes des précédents films, Brad Bird livre une relecture complémentaire de l’opus depalmien tout en renouant enfin avec ce qui faisait la force de la série : le travail d’équipe.


Enfin, car jusqu’à présent les trois films Mission : Impossible reposaient et formalisaient les exploits de l’incroyable soliste Ethan Hunt / Tom Cruise. Après la trahison initiale orchestrée par Jim Phelps / Brian De Palma, Hunt ne comptait que sur ses talents individuels pour se sortir d’inextricables situations. Dans ce monde de masques et de simulacres, impossible d’accorder sa confiances à qui que ce soit lié de près ou de loin aux agissements du département M : I. La principale et fondamentale mission réussie par Brad Bird et son équipe est d’avoir formalisé une dynamique de groupe enfin efficiente. L’intrigue à rebondissements multiples où il faut neutraliser la menace nucléaire que fait peser un ennemi russe n’est qu’accessoire et représente finalement peu d’intérêt. Elle n’est là que pour insuffler des péripéties de plus en plus risquées et alambiquées qui ne pourront être dépassées que par la force du collectif. En ce sens, le récit n’est que l’ombre du véritable enjeu du métrage, son fantôme. Ce ne sera d’ailleurs pas le seul hantant le film.

Mission : Impossible - Protocole Fantôme
 

Issu de l’animation (Le Géant De Fer, Les Indestructibles, Ratatouille), Brad Bird se dépêtre avec brio de son premier film live. Pas surprenant tant ses précédentes réalisations étaient déjà pensées et marquées par une cinégénie remarquable. Certes, la caractérisation des agents n’est pas aussi fouillée que dans Les Indestructibles par exemple mais en tant que purs héros d’action, ils sont tout de même moins formatés que la moyenne. On retrouve l’humour imprégnant ses autres films, pas seulement au travers du contrepoint comique que représente Benji, le perso de l’hilarant Simon Pegg (ou Jeremy Renner s’adonner à une séance d’assouplissement angoissée avant le grand saut) et la manière décalée d’envisager l’histoire à raconter (et ce n’est pas l’unique fait des multiples incongruités que l’on peut s’amuser à relever).
Sur ce dernier point, le ton est donné lors de la séquence d’évasion de Hunt d’une geôle, qui s’effectue selon le timing d’une chanson diffusée par les haut-parleurs de la prison et renvoyant à une séquence similaire d’Hudson Hawk où Bruce Willis et Danny Aïello dérobaient dans un musée un objet d’art, réalisé par De Vinci, selon le tempo jazzy de Swinging on a star. Certes, Protocole Fantôme ne se montre pas aussi outrancièrement délirant, néanmoins on peut remarquer que Bird s’ingénie à remettre en cause le statut superhéroïque de Hunt, acquis depuis deux films, de manière assez démonstrative et dans un esprit très slapstick. Il faut voir la façon dont il est physiquement éprouvé, qu’il soit blessé jusqu’à devoir se faire hospitalisé mais surtout lorsqu’il rencontre violemment le rebord d’une fenêtre après une course dantesque sur la paroi de la tour de Dubaï ou lorsqu’il saute de plateformes en plateformes lors du combat final, ayant toutes les peines du monde à effectuer cette action sans perdre l’équilibre ou se rattrapant de justesse. Selon le même principe, on le voit sur le rebord d’une corniche de l‘hôpital dont il tente de s’évader, tétanisé par le saut à effectuer. Les risques évalués, surtout dans son état, étant trop importants. En d’autres temps, on nous aurait seulement montré un plan de Hunt en train de s’échapper en courant. Désormais, cette ellipse est impossible, Hunt étant soumis à la réflexion pour s’en sortir. Et tel un héros mctiernanien, on le verra réfléchir en conséquence (vue en plongée, puis panotage de la caméra pour figurer le déplacement latéral de Hunt mais également pour visualiser tous les éléments à sa disposition dans le cadre pour l’aider).

Mission : Impossible - Protocole Fantôme
 

En termes d’action pure, ce Mission : Impossible se montre très impressionnant bien que la lutte entre Paula Patton et Léa Seydoux se montre assez décevante en termes de durée, d’impact et de découpage. Trois hénaurmes morceaux de bravoure rythment le métrage et chacun est l’occasion d’impliquer encore plus intensément l’esprit d’équipe recherché. Evidemment, celui qui restera en mémoire est la demi-heure passée à Dubaï qui débute par l’escalade vertigineuse de cette tour gigantesque et se conclut par une poursuite dans une tempête de sable. Mais si elle se montre aussi marquante ce n’est pas exclusivement par la grâce d’un enchaînement de scènes trépidantes. Située au milieu du film, cette partie est surtout au cœur du propos sur la réversibilité des situations ou des positions de chacun, sur la défaillance technologique et l’abandon des masques.
Pour se dissimuler, les agents avaient à chaque fois recours à des gadgets hyper sophistiqués. Voir dans le Kremlin où Benji et Hunt se cachent derrière une paroi amovible projetant au garde à l’autre bout l’image du couloir qui devrait normalement lui faire face. Seulement, suite à leur échec provoqué par le parasitage du badguy qui a révélé l’existence de ces fantômes, voilà l’équipe et tout le département désavoués. Le protocole fantôme rapidement évoqué par le ministre efface tout ce qui pourrait permettre de lier le gouvernement avec cette officine opaque. Autrement dit, se matérialise ce que les messages informant les agents de leur mission préconisaient avant de s’autodétruire. Livrés à eux-mêmes, ils ne pourront plus compter sur une technologie fiable : Hunt obligé de taper sur le cadran de l’appareil téléphonique pour que le message explose, la machine devant modéliser les masques pour le simulacre mis en place à Dubaï tombe en rade, un des gants adhésifs de Hunt lui fait défaut en pleine ascension, les plateformes dans le parking semblent s’amuser à ses dépends…
Pour devenir des ombres, l’équipe ne pourra s’en remettre qu’à leurs propres capacités physiques. Ils n’ont plus aucun contrôle de la technique, donc du cours des évènements. C’est le temps de l’improvisation. Le recours à l’instinct. Le retour à une certaine forme d’humanité.

Mission : Impossible - Protocole Fantôme
 

Si le protocole fantôme demeure un mystère dans son processus, il est amusant de constater que d’autres fantômes circulent. A commencer par le méchant insaisissable dont on ne verra longtemps qu’une silhouette fugace croisée dans le Kremlin ou cachée au sein d’une tempête de sable. Il accentue même son statut ectoplasmique en étant seulement repérable via le signal émis par les documents en sa possession ou lorsqu’il se débarrasse de son masque qu’il jette à Hunt pour signifier la fin de la poursuite.
Mais Mission : Impossible – Protocole Fantôme peut être envisagé comme le propre fantôme du premier film dont le souvenir plane incidemment. Pas tant dans la structure ou le jeu sur les points de vue que dans le fait que cet opus définit le retour à l’organique que la séquence de haut-vol dans l’enceinte de la C.I.A envisageait comme source de mise en échec potentiel, une goutte de sueur provoquant l’alarme. Pour réussir, les agents, et Hunt le premier, doivent en passer par une certaine déshumanisation, le film de De Palma mettant parfaitement en scène ce détachement de tout sentiment, après tout, Phelps est un traître et il n’y a quasiment que des agents doubles (Réno et Béart). Les agents du M : I sont envisagés comme des machines, assurant jusqu’au bout leur fonction, leur mission. Dans sa façon même de courir Hunt ressemble à un robot. Ils adoptent même parfois la précision et / ou l’infaillibilité d’ordinateurs comme lorsqu’après la traumatisante explosion du Kremlin, Hunt est capable de dessiner sur la paume de sa main le portrait-robot du responsable, que l’agent Brandt reconnaît instantanément en lui le fou nucléaire Hendricks et sous le feu nourri d’une embuscade, Hunt prend la meilleure décision (une fusée éclairante fixée à un cadavre pour servir de leurre et leur permettre de sortir de l’eau où leur véhicule était tombé). Brandt questionnant même cette certitude presque surnaturelle. Ethan s’en sortira par une pirouette en invoquant le recours à son instinct mais jusqu’à présent, pour les hommes et femmes de l’agence, la réussite fait partie de leur programme. Tout le film sera ainsi le cheminement vers un retour à la performance humaine pour combler les défaillances techniques et technologiques qui s’abattront sur l’équipe.

Et in fine, l’adjonction d’une plus grande expressivité (les membres de l’équipée s’engueulent, doutent, s’entraident, etc.) permet la reformulation du modèle cinématographique Mission : Impossible qui y gagne un supplément d’âme. La conclusion faisant office de réunion de frères d’armes vient entériner cette intention. Une dernière scène qui peut paraître inutile voire hors de propos mais qui dans ce contexte trouve un écho plutôt pertinent. Et puis, c’est l’occasion de terminer sur une note amère, un poil tragique puisque pour le bien de tous, on voit que Hunt est aussi devenu un fantôme pour ses proches.

Mission : Impossible - Protocole Fantôme
 

Si le premier montrait que Hunt avait un cerveau, les suivants qu’il avait des bras et des jambes, ce dernier épisode en date démontre que désormais il a aussi un cœur. Et plus important, qu’il n’est plus l’agent à l’individualisme forcené mais qu’il est désormais capable de fédérer. Une nouveauté que seul Brad Bird était sans doute capable de formaliser.

7/10
MISSION : IMPOSSIBLE – GHOST PROTOCOLE
Réalisateur : Brad Bird
Scénario : Josh Appelbaum, André Nemec, Bruce Geller (créateur de la série)
Production : J.J Abrams, Bryan Burk, Tom Cruise, David, Tommy Harper...

Photo : Robert Elswit
Montage : Paul Hirsh
Bande originale : Michael Giacchino
Origine : Etats-Unis
Durée : 2h13
Sortie française : 14 décembre 2011




   

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