Max Et Les Maximonstres

Adaptation.

Affiche Max Et Les Maximonstres

S’il est un auteur pour enfants mal compris en France, c’est bien Maurice Sendak. Si ses livres furent l’objet, à leur parution dans les années soixante, d’une mise au ban dans le Landerneau pédopsychiatrique français, ils font depuis à l’inverse l’objet de bien des surinterprétations psychanalytiques qui en étouffent le sens au moins autant que des anathèmes de Madame Dolto.


Avant tout, les livres de Sendak, et Where The Wild Things Are (1)sans doute plus que les autres, captent l’esprit de l’enfance, capable de passer de la brutalité à la tendresse, de la colère à la joie en quelques instants, de bâtir des chimères avec la volonté d’un arpenteur et de les abandonner aussitôt.

En choisissant d’adapter un livre non seulement culte mais d’un laconisme poétique, faisant la part belle aux illustrations et à l’imaginaire du lecteur, Spike Jonze s’engageait en toute conscience sur une route difficile et semée d’incompréhension. Et la principale qualité du scénario de Dave Eggers est d’arriver à développer, entre les phrases du livre, la psychologie complexe du sale gosse jouissif imaginé par Sendak, sans pour autant l’édulcorer.


Max Et Les Maximonstres

 

"The night Max wore his wolf suit…" (2)
Après les logos des producteurs et des distributeurs détournés par des gribouillages d’enfant, la première scène du film nous saute au visage avec un Max dévalant les escaliers en hurlant, coursant le chien de la maison une fourchette à la main. Reproduisant non seulement une des images iconiques du bouquin, il rappelle brutalement au spectateur adulte la sauvagerie d’une enfance trop souvent réécrite à coups de jolis poncifs naïfs et rieurs. Et si l’on en croit certains critiques qui souhaiteraient voir ce sale mioche sous Ritaline, on se dit que ce rappel à la réalité n’est pas superflu. Ainsi, la première partie du film met en place scène après scène les éléments constitutifs de la psyché d’un gosse de neuf ans, qui voit sa sœur délaisser  son monde pour entrer dans l’adolescence, qui découvre qu’il n’est pas le seul objet de l’affection – ou même des soucis – d’une mère pourtant aimante, qui enfin prend confusément conscience de la fragilité des choses et des êtres sur lesquels il n’a que peu de prise.


Enfin, lorsque Max pose le pied sur l’île imaginaire des Wild Things, le réalisateur nous fait passer des clichés de l’aventure pour garçon (traversée en solitaire, tempête, échouage et exploration) à une projection fantasmatique et décuplée des maints éléments de la vie du jeune héros, nous rappelant implicitement que l’imaginaire n’est jamais tant une création ex nihilo qu’une réécriture de ce que l’on connaît. Max assiste donc de loin à la colère destructrice d’un monstre en proie au chagrin suite à l’abandon d’un des siens, devant ses camarades résignés.

Le livre de Sendak n’offrait aux monstres aucun nom ni personnalité particulière, hormis de réjouissantes trognes reproduites au poil près par les artistes des studios Jim Henson ; Dave Eggers et Spike Jonze en font de véritables personnages qui, bien qu’il soit simpliste de vouloir voir en chacun l’incarnation d’un trait de caractère de Max, vont lui permettre de comprendre certaines des émotions qui le tiraillent, de prendre la mesure de ses actes et apprendre la difficulté des décisions…


Max Et Les Maximonstres

 

"Let the wild rumpus start!"
S’imposant tout d’abord par son aplomb et sa répartie comme le roi de ces bêtes sauvages et le possesseur de leur petit et vaste monde (on se rappellera alors l’inscription signée de son père sur le socle d’un globe terrestre dans sa chambre), Max devra progressivement admettre son impuissance ou du moins sa faillibilité et ses contradictions : certains monstres verront non sans jalousie sa préférence pour Carol, le monstre du début, parce qu’il lui ressemble un peu plus que les autres, parce que lui aussi souffre d’être délaissé par KW, son amoureuse ou sa sœur (on ne saura pas exactement, sans doute parce qu’à neuf ans c’est encore assez confus) et que, comme lui, il rêve de rendre son monde meilleur ; il réalisera que le jeu ou la fête – même épouvantable – n’est pas toujours un remède à la tristesse et qu’il est parfois difficile de maîtriser les tempêtes que l’on déclenche…


"And Max gave up being the king of all Wild Things"
Une fois encore, le scénario s’éloigne du livre original qui nous montrait Max abandonnant sa couronne et ses monstres-pulsions  alors que leur fureur menace de le dévorer. Dans le film, Max repartira réconcilié avec ses monstres apaisés. Les hurlements sauvages du début se feront tendres et tristes, le cri désespéré et menaçant "We’ll eat you up, we love you so!" du livre sera prononcé comme un au revoir maternel par KW au milieu des monstres désespérés mais résolus pour la première fois à ne pas dévorer ce roi-ci.


Ayant apprivoisé ses pulsions et appris le renoncement nécessaire pour pouvoir grandir, Max peut alors revenir à la réalité, rentrer chez lui où l’attend le pardon silencieux de sa mère sous la forme du dîner dont il avait été privé au début de l’histoire.


Max Et Les Maximonstres
 


"- and it was still hot."
À mon sens, Where The Wild Things Are est non seulement l’une des histoires les plus vraies, les plus viscérales, mais aussi les plus saines sur l’enfance, mettant en lumière la valeur cathartique et introspective de l’imaginaire qui s’écrit avec le réel bien plus qu’il n’en éloigne. Une des grandes forces du film est de reposer sur cette conviction, ce qui lui permet à la fois de se plier résolument aux sauts et gambades d’une imagination enfantine et de garder néanmoins une grande cohérence psychologique et symbolique. À l’instar de Max qui passe sans cesse de l’excitation furieuse à la rêverie mélancolique, le film offre au spectateur, entre deux bacchanales de monstres, des moments de contemplation pure dans des décors sauvages et poétiques à la beauté poignante qui laissent l’impression douce-amère de très vieux souvenirs. Le sous-titre des affiches disait : "Il y en a un en chacun de nous". Un monstre en chacun de nous, je ne sais pas, mais on ressort de la salle avec l’envie de retrouver en soi le petit garçon en costume de loup qui hurle quelque part dans les bois.


(1
) Le titre original est bien plus beau et évocateur que son idiote adaptation française.
(2
) Les phrases en intertitres sont toutes extraites du texte original du livre.

8/10
WHERE THE WILD THINGS ARE
Réalisateur : Spike Jonze
Scénario : Spike Jonze & Dave Eggers d'après le livre de Maurice Sendak

Production : Tom Hanks, Maurice Sendak, Vincent Landay…
Photo : Lance Acord
Montage : James Haygood & Eric Zumbrunnen
Bande originale : Carter Burwell & Karen O.
Origine : USA

Durée : 1H41
Sortie française : 16 décembre 2009




   

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